Le Journal d Une Adoptée

Interview avec Sandrine Canaux – Une quête d’identité à 45 ans

Conversation avec Sandrine Canaux, Gestalt-thérapeute, auteure du livre « Le squelette givré qui attisait les braises« 

Dans ce livre, Sandrine nous raconte comment elle est parti à la recherche de sa mère de naissance.

Cette conversation est extraite du Sommet Virtuel des Adoptés.

Si vous avez envie de rencontrer Sandrine, RDV lors de la prochaine édition du Sommet, du 24 au 28 novembre 2025 !

Découvrez ci-dessous la retranscription du podcast.

Table of Contents

Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Le journal d’une adoptée. Aujourd’hui, je reçois Sandrine Canaux. Sandrine Canaux est Gestalt-thérapeute et auteure du livre « Le squelette givré qui attisait les braises ». Dans ce livre, elle raconte sous forme d’enquête et de suspense comment elle s’est retrouvée à l’âge de 45 ans à rechercher sa mère biologique. Dans  cette conférence donné lors la 4e édition du sommet virtuel des adoptés, 

j’ai été happée par son récit passionnant.

J’ai donc voulu vous le partager avec cet épisode. Je vous souhaite une très belle écoute.

Bonjour Sandrine et bienvenue. Merci d’avoir accepté mon invitation pour cette conférence car j’ai adoré ton livre que j’ai lu en quelques heures. Avant de commencer, peux-tu te présenter et nous raconter le pourquoi ce livre ? Je rappelle le titre « Le squelette givré qui attisait les braises » aux éditions Remonance. 

[Sandrine Canaux] Je suis Sandrine Canaux, j’ai 61 ans, je suis Gestalt thérapeute. c’est psychothérapeute en Gestalt ou psychopraticienne en Gestalt depuis une quinzaine d’années maintenant. C’est une reconversion. Et effectivement, j’ai écrit un livre.

J’ai commencé l’écriture du livre en 2020, ça m’a pris 2 ans pour l’écrire, puis ensuite 2 ans pour l’éditer. Et ce livre raconte comment la personne, la femme qui a été une enfant adoptée a cheminé pour retrouver sa mère biologique.

ça raconte l’histoire d’une quête qui a commencé quand j’avais 45 ans. Donc vous voyez, aujourd’hui j’en ai 61. Donc depuis il y a du  chemin qui a été fait. cette quête a duré quelques années. Elle a été assez  rapide en fait. C’est ça le paradoxe, c’est que j’ai mis 45 ans pour chercher débloquer quelque chose qui était sans doute bloqué pour tout un tas de raisons sur lesquelles je peux m’étendre. C’est en particulier le conflit de loyauté, mais ça j’imagine que vous en avez déjà parlé.

J’ai cherché et j’ai trouvé. Je raconte à la fois la quête, ce qui a déclenché cette quête. Je raconte la lévère puisque j’ai j’ai trouvé cette femme qui m’a mise au monde il y a maintenant 61 ans. J’ai découvert des choses qui étaient tout à fait inattendues. J’ai découvert qu’on m’avait raconté des bobards. On m’avait raconté des mensonges sur ma toute petite enfance, sur, au fond, l’historique. 

J’ai découvert des frères et sœurs et il a fallu à aller aussi à la rencontre de ses frères et sœurs. 

Le livre, je l’ai écrit parce que tout ce chemin que j’ai fait à partir de 2008 qui a été déclenché par la mort de ma mère adoptive, il a vraiment eu quelque chose à ce moment-là qui s’est libéré.

Pendant, on va dire pendant 18 mois, pendant 2 ans, 3 ans, j’ai été accompagnée.

j’étais en même temps en train de me reconvertir. 

Donc je devenais psychothérapeute. J’étais formée à la psychothérapie. Je suivais une psychothérapie individuelle de groupe et j’étais accompagnée pendant tout ce chemin et toutes les personnes qui ont pu m’accompagner, qu’elle soit psy, coach, superviseur ou simplement partenaire dans les  groupes me disait « Mais cette histoire est dingue, c’est un vrai roman, tu devrais l’écrire. » Voilà. 

Et j’ai très longtemps résisté hein puisque je ne me suis mise à écrire véritablement qu’en 2020. 

J’ai très longtemps hésité parce que c’était exposé quelque chose d’intime parce que j’étais je pense encore un peu agitée par le conflit de loyauté vis-à-vis de mes parents  adoptifs.

Après c’est mon père qui est mort en 2016 et peut-être c’est terrible de dire ça et en même temps c’est la vie. Il y a peut-être un deuxième verrou qui a sauté à ce moment-là parce que j’aurais eu très très très peur, moi la grande dame, l’adulte que je suis, du regard de mon père sur mon écriture, sur le fait que je dévoile des choses et cetera. 

Donc ce livre parle d’une quête, du pourquoi de la quête et puis ce livre il est aussi fait des flashbacks sur la petite fille que j’ai été. Qui était en famille d’accueil et puis qui a qui a quitté sa famille d’accueil à 3 ans pour être adoptée par des personnes qu’elle ne connaissait pas et auquel il a fallu qu’elle s’amarre.

Tu as commencé ta quête à 45 ans. 

On va commencer par l’avant. Est-ce que tu peux nous dire maintenant ce que tu as vu qui t’avait bloqué dans cette quête ? Le pourquoi tu t’en es empêché ? 

J’ai compris avec du recul et avec le travail thérapeutique et même en écrivant parce que l’écriture a été une façon de poursuivre ma thérapie. Ce que j’ai compris, c’est qu’en fait moi j’avais grandi, c’était paradoxe à la fois dans la vérité puisque je savais que j’avais été adoptée. et pour cause, mes parents adoptifs sont venus me chercher quand j’avais 3 ans. Donc j’avais l’âge de la parole, de la raison, j’étais attachée à ma famille d’accueil.

Donc ce n’était pas un secret et en même temps pour autant, ça n’existait pas. 

C’était une non histoire, un non événement. 

Les parents adoptifs, moi j’ai été je suis rentrée dans leur famille en 66. L’adoption plénière a été déclarée en 68. À cette époque-là, je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, mais à cette époque-là, le le mot d’ordre c’était fait « Faites comme si c’était vos enfants, faites comme si c’était votre fille biologique, faites comme si. » 

Donc il y avait une espèce de déni d’abord bien sûr parce que mes parents souhaitaient avoir un enfant mais j’avais une mission. une mission qui était de sauver ma mère de la dépression. 

Donc ma mère adoptive avait, 20 ans avant ma naissance perdu un enfant de d’une mort subite de nourrisson. Donc vous voyez, ça se passe en 45, quelque chose comme ça. 

Elle n’avait à l’époque évidemment pas vu de psy. C’était un tabou, c’était une honte, c’était tout ce qu’on veut. Et elle était, je pense, elle souffrait de mélancolie. Et moi, je suis adoptée par mon père et ma mère bien sûr, mais vraiment dans l’intention de de la sauver elle, du désespoir. Donc déjà, j’ai une mission.

Évidemment, tout ça n’est pas explicite mais inconscient. Et la petite fille qui a été une première fois abandonnée à la DDASS à 10 jours, donc avec tout et ça vous en avait parlé certainement he psychiquement l’abandon, la blessure d’abandon très archaïque puis qui ensuite est arraché à sa famille d’accueil parce que c’est un arrachement à 3 ans du jour au lendemain. Cette petite fille là, elle souffre d’une angoisse terrible. Elle n’a qu’une peur, c’est d’être à nouveau abandonnée. S’opposer à sa famille d’adoption c’est risqué d’être abandonné.

Donc en fait, je suis rentrée dans un moule, je suis rentrée dans une mission.

La petite fille rentre dans la mission, elle comprend bien que c’est ça où ou c’est l’effroi, le risque d’un abandon. 

Mes parents avaient à un moment donné envisagé, ils me l’ont raconté, c’est une des rares choses qu’ils m’ont raconté. 

Au tout début, je ne voulais pas, je disais non tout le temps et ils ont envisagé, ils se sont dit « Bon, si elle continue à nous pomper l’air”, je vous le fais avec mes mots d’aujourd’hui, 

mais si elle continue à être aussi difficile, insupportable, on va la renvoyer d’où elle vient. » 

Je ne sais pas si je l’ai entendu, sans doute pas, mais c’était dans l’air. 

La petite fille cherche à tout prix à s’amarrer. Où que ce soit, elle a besoin de s’amarrer. 

ça c’est le point de départ du déni.

Et mes parents ont fait comme si. Nous avons fait comme si. Nous n’en avons jamais parlé. Ma mère ne parlait jamais de mon adoption, jamais. 

C’était tabou. Et mon père l’évoquait parfois.

Voilà, il l’évoquait d’une façon qui n’était d’ailleurs pas toujours très agréable pour moi, m’expliquant que j’avais les genoux cagneux, que je louchais et qu’heureusement qu’il m’avait adopté parce que grâce à à eux, j’avais eu des lunettes, j’avais corrigé mes pieds etc, etc. 

Pour continuer à répondre à ta question, j’espère que je suis à peu près dedans. C’est vraiment le déni, ça n’existe pas et il ne faut pas que ça existe. Il ne faut pas que ça existe pour ma mère. 

Il ne faut pas que ça existe pour mon père. Nos problèmes. Je suis là, je suis là maintenant. 

Je vais suivre mon chemin et il ne faut pas que ça existe pour la petite fille qui est au désespoir et qui souffre d’une angoisse d’abandon profonde d’un déchirement. Moi, c’était physique chez moi. C’est vraiment le déchirement et et toute idée que je pouvais être séparée de mes parents me rendait malade. et en même temps, la petite fille, elle ne les aimait pas ces gens-là. Donc c’est tout le paradoxe. 

Donc le conflit de loyauté, il est là, il est au départ. C’est-à-dire aller chercher déjà c’est c’est aller chercher sa famille, c’est dire « Ah ben oui, j’ai été adopté, oui, ça existe. Oui, je ne viens pas de vous. » Ça c’est pas possible. OK. Et puis, quelque part, c’est les trahir parce que pendant toutes ces années, bon franchement 

moi j’ai vécu une vie de rêve. si ce n’était mes angoisses intérieures. Je peux pas dire que 

j’ai été très bien traitée. Je crois que j’ai été aimée autant que mes parents pouvaient aimer. 

j’ai vécu dans des conditions, tu parlais de la Grèce effectivement, j’ai passé mon 

bac à Athènes. Mon père était diplomate et j’ai vécu à l’étranger toute mon enfance avec beaucoup de déménagements, ce qui a été difficile mais j’ai vécu une vie favorisée. Je ne peux pas me plaindre. Je ne pouvais pas me plaindre.

Je devais être reconnaissante. Tu vois, vous voyez, comment petit à petit tout ça se construit. Une espèce d’édifice qui se construit, une tour 

qui est indestructible. Et si tu touches à quelque chose dans ce dans cette tour, dans 

ce château de carte, tout s’effondre et c’est prendre un risque énorme. Donc moi, l’enfant que j’étais, l’adolescente que j’ai été, la jeune femme que j’ai été, la femme, c’était un non sujet.

Un Non sujet, il y a pas de sujet. J’ai découvert qu’il y avait un sujet parce qu’un jour j’ai entrepris une thérapie. C’est aussi ballot que ça. 

Pourquoi j’ai entrepris une thérapie ? 

Pas parce que j’étais mal, que j’avais des angoisses d’abandon dans le tout ça avait été relativement bien camouflé, guéri. 

Mais parce que j’allais me reconvertir dans un métier d’accompagnement et que je me disais pour accompagner des gens, il faut que moi-même j’ai fait un petit travail sur moi. 

donc j’ai fait un petit travail sur moi mais j’y allais comme on va une conversation quoi. 

Voilà et c’est mon thérapeute qui m’a dit mais c’est quand même fou il se passe rien dans cette 

thérapie. 

J’ai dit qu’est-ce que tu veux qu’il se passe ? Moi je vais bien. Donc il y avait un 

refoulement énorme. énorme. Et il a fallu aussi passer à travers ce refoulement, y compris 

alors en termes d’identité, de prénom.

Je reviens donc sur le déclenchement, c’est donc tu disais tout à l’heure le fait que le pas au décès de ta mère adoptive, tu as comme un écrou qui s’est déverrouillé.

Est-ce que tu saurais mettre les mots pour ceux qui se posent des questions où ils en sont ? Est-ce que ça s’est traduit physiquement ? 

Est-ce que ça s’est traduit dans ta tête ? Comment ça s’est traduit ? Comment as-tu senti que ce verrou explosait et peut-être que tu étais prête à aller plus loin ?

il y avait déjà eu un petit ma mère, elle est décédée en mars 2008 et j’avais commencé un travail thérapeutique très léger tel que je vous l’ai décrit. Il se passait pas grand-chose 

mais quand même il y avait des questions qui étaient posées. ces questions raisonnaient un petit peu à l’intérieur même si je voulais pas aller voir très profondément. 

Donc je pense que ma structure psychique a commencé à bouger un peu. Et en 

fait au moment du décès de de ma mère, ce qui s’est passé, il se passait, je sais pas comment dire, c’est comme si à l’intérieur de moi. déjà je ne me suis pas effondrée, j’ai traversé cette mort avec une relative sérénité.

j’ai touché à quelque chose de l’ordre de la reconnaissance pour cette femme que j’avais du mal à aimer. J’étais attachée à elle mais j’avais du mal à l’aimer. Donc j’ai découvert comment elle avait été précieuse pour moi. 

En traversant cette émotion, en osant traverser cette émotion, je pense que j’ai ouvert quelque chose à l’intérieur psychologiquement. c’est comme s’il y avait eu un déclic. C’est vraiment un déclic.

Mon père s’est mis à me raconter sa vie, leur vie parce que mes parents m’ont adopté. ils avaient déjà 16 ans de vie commune et et il s’est mis à me raconter sa vie, leur vie. Et petit à petit, ça s’est passé vite, en quelques semaines, à force de récit très intime. J’ai pris 

conscience, c’était à la fois, je trouvais ça génial parce qu’ils ont vécu une vie d’aventure 

que je trouve exceptionnelle. Et en même temps, quelque chose en moi disait « Mais ce n’est pas ma vie, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon histoire. »

Plus il me racontait leur histoire et plus s’installait en moi la conscience que ça ne m’appartenait pas. Alors c’était très douloureux parce que je pouvais pas lui dire évidemment lui alors j’étais sa fille voulait vraiment m’amarrer à son histoire. et moi plus m’en racontait et plus je disais non 

quelque part ailleurs il existe peut-être parce que je savais pas si elle était encore morte ou vivante ma mère, la femme qui m’a mise au monde. Donc voilà, c’est ce cheminement, c’est intérieur, c’est psychologique, c’est émotionnel, c’est que j’accède à quelque chose à quoi je n’avais jamais accédé.

C’est par petite touche parce que c’était bien barricadé. 

Parfait. C’était parfaitement barricadé. 

Et puis mon père commence à me raconter sa vie. Et là, je dis « Non, non, ça c’est pas moi, c’est une part de moi bien sûr, c’est eux qui m’ont adopté.

Donc j’ai leur histoire mais ce n’est pas mon histoire là. j’ai fait très simple.

J’ai écrit à la DDASS à Paris parce que j’avais le dossier d’adoption le jugement d’adoption de 68.

Puis j’ai voilà, j’ai lancé une bouteille à la mer et puis elle m’est revenue. Elle m’est revenue. 

Quand tu as commencé ce cheminement, est venu la question de ton prénom. tu en parles aussi dans ton livre. tu as régulièrement au départ demandé à tes parents pourquoi je m’appelle Marie-André. parce que ton prénom Marie-André c’est ton prénom d’adoption. 

Puis tu es arrivé à ce cheminement de t’appeler Sandrine. 

Est-ce que tu peux nous raconter ce parcours ? 

Je suis née, mon prénom de naissance, c’est bien Sandrine. C’est-à-dire que ma mère m’a prénommée Sandrine. Celle qui m’a mise au monde qui s’appelle Nadine m’a prénommée Sandrine. Et puis avec le processus d’adoption, changement de patronyme, changement de 

prénom.

J’ai changé de prénom et je suis devenue Marie-André, un prénom que j’ai détesté pendant 40 ans parce que je l’ai gardé, je l’ai porté même pendant 45 ans. vraiment je l’ai détesté, je trouvais moche, je ne m’y reconnaissais pas et chose troublantes, mes parents m’appelaient rarement Marie André. Il m’appelait par des petits noms, des petits noms doux, des surnoms. Mon père c’était beaucoup dans les surnoms et ma mère c’était des petits mots doux, ce qui avait le don de m’agacer aussi. 

Il y avait en moi quelque chose mais je ne savais pas mettre des mots dessus. Dès que j’étais entre guillemets interpellée et ça a été en s’accentuant en vieillissant. 

Ça crée en moi quelque chose comme un resserrement tu vois. C’est une tension les dents qui serrent. Je ne je ne savais pas je n’ai pas posé la question à mes parents. En tout cas pas pendant 40 ans ou 45 ans. C’est eux qui m’ont raconté.

Et ils m’ont expliqué que quand j’étais petite fille encore avant même l’adoption, j’étais déjà chez eux je leur disais non tout le temps. un beau jour ils m’ont appelé j’avais un surnom semble-t-il quand j’étais petite c’était Didine. Sandrine. Didine. ils m’appelaient Didine et moi je disais le “non”. 

L’histoire, la légende c’est que j’ai dit non, je veux plus m’appeler comme ça. OK. Bah les parents m’ont dit « Bah d’accord”, c’est ce qu’ils m’ont raconté, on est d’accord, c’est la légende familiale. 

“ OK, bah comment tu veux t’appeler ? » Et j’aurais dit Marie-André. 

Alors vous imaginez le petit bout de chou de 3 4 ans qui dit « Moi, je veux m’appeler Marie-André. » C’est assez mystérieux. D’où ça vient, pourquoi ? C’était l’histoire qui m’était racontée. Et dans les dernières années de la vie de mon père quand je lui ai reposé la question, il me disait ou non mais c’est toi qui a voulu.

Ma mère une fois avait évoqué le sujet en me disant qu’elle aurait préféré m’appeler autrement.

Quand ma mère me disait qu’elle aurait préféré faire quelque chose, il y avait toujours en contre-poids le fait que c’est mon père qui avait décidé et qu’elle n’avait pas eu le choix.

Donc moi je comprenais ça comme ça. Mais la petite histoire c’est moi qui ai choisi mon prénom Marie André jusqu’au jour où j’ai commencé mon travail thérapeutique. Là tous les psy, vraiment m’ont dit mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? 

Moi j’ai gobé l’histoire, d’accord ? J’ai gobé ce qu’on me raconte, on me raconte. D’accord. Mes parents étaient des gens intègres, ils ne mentent pas. OK. 

Et puis tous m’ont dit « C’est pas possible, ce n’est juste pas possible. 

Alors, on cherche.

Est-ce que tu as un grand-père, une grand-mère dans ta famille d’adoption qui 

s’appelle comme ça ? Est-ce que tu sais comment s’appelle tes parents ? Peut-être ta famille nourricière, ton père et ta mère nourricière, chez qui tu as habité pendant 2 ans et demi ? » 

Ben non, je savais même pas que j’avais passé 2 ans et demi. 

Et j’ai découvert, mais ça, je l’ai découvert à la fin, à la mort de mon père, d’où me venait ce prénom qui ne venait pas de moi, mais et je ne l’ai su que beaucoup plus tard. Tout ce que je peux vous raconter, 

C’est que Marie-André était insupportable.

Mais quand j’ai commencé un vrai travail thérapeutique avec une thérapeute qui m’a fait travailler, qui m’a qui m’a m’a dit « Mais toi en fait, tu t’appelles Sandrine ? » Pareil.

Donc si vous me permettez ma familiarité, j’étais bien emmerdée parce que Sandrine c’était il y avait un ça me saisissait et Marie-André ça me  crispait. Aïe ! Voilà espèce d’entre deux très inconfortable et tout le travail thérapeutique porté vraiment sur mon identité, qui je suis.

Il a consisté par un travail psychothérapeutique et même un travail corporel énergétique à me reconnecter. Pardon si c’est pas trop jargonesque mais vraiment une connexion avec qui je suis profondément à travers la résonance des prénoms. 

Et à un moment donné ça a basculé et j’avais 50 ans, presque 50 ans. Tout d’un coup, je dis 

mais c’est bien sûr en fait mon prénom, je suis Sandrine. 

à 50 ans, j’ai changé de prénom. Alors d’abord je me suis fait appeler Sandrine par mon entourage et en le faisant j’étais dans la honte.

J’ai traversé la honte comme si c’était honteux de revenir à son prénom de naissance. 

c’était très inconfortable. Heureusement, j’avais des amis proches très versés là-dessus, très au fait de de du poids du prénom. 

on dit que le prénom c’est l’âme, c’est notre âme qui a soufflé notre prénom à notre mère. Alors, on dit; c’est une idée, l’on croit ou pas en l’âme.

Mais ce n’est pas rien, un prénom. 

Et même pour une mère qui va vous déposer à la DDASS 10 jours plus tard, c’est un choix. Il y a une résonance en prénommant. Même quand on fait de l’alchimie, on peut jouer avec les mots. 

Et Sandrine, c’est pas rien. Sandrine, Sandrine, c’est la cendre dedans. C’est la cendre. Et j’ai 

découvert 45 ans que mon grand-père maternel était mort à Dachau. et ma mère m’a donné ce prénom là  alors qu’elle allait me déposer à la DDASS. Donc c’est il y a une vibration du prénom. Il y a un chemin de vie qui est tracé par un prénom. 

J’y crois vraiment aujourd’hui pleinement parce que je me rends compte que quand j’ai fait cette bascule petit à petit oui, il s’est je me suis il s’est mis en place des choses dans ma vie.

Je me suis installée confortablement dans mon métier, dans mon nouveau métier. J’ai osé écrire, j’ai osé faire des choses que je n’osais jamais avant. Donc le prénom, c’est une marque,une empreinte. Alors, on peut l’enlever mais pas l’oublier. C’est très important de ne pas l’oublier.

Et puis quelques années encore plus tard, peut-être 5 ou 6 ans plus tard,cj’ai décidé même je suis repassée à l’état civil. 

Les gens me disaient mais pourquoi vous voulez changer de prénom ? 

Rien que cette phrase était insupportable. 

Je dis mais je ne veux pas changer de prénom, je veux reprendre mon prénom de naissance. 

Ah bon ? Mais pourquoi ? 

Parce que c’est mon nom. il faut justifier, faut expliquer, faut donner un dossier épais comme ça. Mais c’est passé comme une lettre à la poste en réalité. Mais à chaque fois, ça vient nous bousculer à un endroit qui est celui d’une fragilité et d’une vulnérabilité.

Ce qui est vraiment le propre des enfants adopté donc abandonné soit parce qu’il y a eu un abandon de fait soit parce qu’il y a parfois un accident de vie qui fait que une mort qui fait que l’enfant doit être placé et ensuite adopté. mais pour l’enfant c’est toujours un abandon quelle que soit la nature. 

Par rapport à cette fragilité, cette vulnérabilité, comment tu as fait pour ne pas sombrer et complètement te perdre finalement entre ces deux prénoms qui te crispaient, qui te tendaient ? Comment dans cette phase tu traverses ça ? 

Parce qu’on pourrait, j’imagine, facilement tomber en dépression et se poser encore plus cette question, “Je ne sais pas du tout qui je suis”.

Je crois que je me suis perdue. J’étais perdu. dans le livre, je raconte que comme la communication avec mes parents, avec ma mère en particulier était difficile, un jour elle m’a traité d’autiste. Mais c’était pas méchant. Mais tu es autiste, mais tu es complètement autiste.

Ce n’était pas un compliment dans sa bouche. Et en même temps, aujourd’hui, avec du recul, je crois qu’elle avait raison. il y a quelque chose en moi, j’étais qui touchait vraiment au noyau autistique, à la fermeture. 

J’étais pas dans le même monde, j’étais perdue. Je donnais parfaitement le change. j’ai la chance d’avoir une tête plutôt bien faite, d’avoir été élevé dans un environnement qui m’a appris beaucoup de choses, avoir je pense que j’ai je je suis résiliente au sens où j’ai cette force, cette capacité là en moi que tout le monde n’a pas. J’avais cette force là. C’est sans doute ce qui m’a évité la folie.

Mais je ne suis pas passé loin. Je ne suis vraiment pas passée loin. quand j’ai décidé vraiment parce que je n’étais pas moi-même, je vivais dans un monde parallèle. 

Je donnais le change. J’avais même une belle carrière mais j’avais parfaitement conscience que tout ça était faux.

Il avait quelque chose qui n’était pas voilà mais un masque comme Jung en parle le masque. au moment du choix, au moment où les premières fois où la personne qui m’accompagnait, qui s’appelait Dominique, m’a amené sur mon prénom et c’est certainement elle qui l’a fait au début de façon plus subtile parce qu’elle n’est pas la première à l’avoir fait.

Vraiment, j’étais fermée. J’étais fermée. Ça me rendait malade physiquement, j’en tremblais. Et elle m’a tenu la main et on a traversé ça ensemble.

j’ai traversé ça avec un groupe. Dans le livre, je raconte une une séquence où elle me répète ce prénom de naissance où je suis revenue, j’ai comme quelque chose de très cathartique. J’ai du régressif. 

Je me retrouve toute petite en train de pleurer dans ses bras, entourée des personnes qui travaillent dans ce groupe et elle là ce moment-là quelque chose qui lâche comme un abandon, un abandon aussi de toute cette structure qui a été imposée. 

ça a été douloureux. Et puis ensuite, j’ai eu un travail, ce que je disais, je le raconte dans le livre, très énergétique. Je suis allé voir une petite fée qui travaille à Brocéliande. 

une thérapeute avec une présence très particulière, une capacité vraiment à être au bon endroit. Et elle m’a fait faire juste un travail de résonance. Elle a fait, je lui ai expliqué le sujet, je parlais du sujet de mon prénom. 

Elle m’a fait elle m’a proposé un petit exercice qui consistait à moi me mettre en tranquilité, assise, en relaxation, méditation. puis elle disait le prénom. 

Elle disait “Sandrine” une fois, deux fois, 10 fois, 15 fois, 20 fois. Au début c’était crispé, comme à chaque fois. Et enfin au fur et à mesure, elle a fait ça pendant 5 minutes. Et au fur et à mesure quelque chose dans le corps, c’est passé par le corps, s’est détendu.

j’ai fini en béatitude. Je dis « Ouais, super. » Puis après, elle a refait la même chose avec Marie-André et là j’ai fini plié en deux dans une douleur physique assez forte déjà et très troublante. Puis après, elle a fait raisonner les deux, elle alternait. Et là, j’avais le vertige, j’ai envie de vomir et je lui ai dit « Arrête tout, c’est bon, j’ai compris. 

Mon corps savait.  » D’accord”. 

Voilà, ça s’est fait ça s’est passé au niveau vraiment corporel, quelque chose qui s’est libéré. Et à partir de là, j’ai fait les démarches, ce que je vous racontais. J’ai demandé aux amis de m’appeler Sandrine. On a fêté mes 50 ans avec un gâteau d’anniversaire. Mon mari avait acheté un gâteau d’anniversaire avec Chris. Bon anniversaire Sandrine. C’est surréaliste. Et c’est à la fois joyeux. Et en même temps, pourtant j’ai le vertige, c’est pas possible. 

Et mon père était toujours vivant à l’époque, je ne le lui ai pas dit, mais il l’a vu sur mes cartes de visite parce que sur mes cartes de visite, j’avais mis Sandrine M-A Canaux. M-A pour Marie-André. Et un jour, mon père est venu nous voir et m’a dit « M-A, tu l’as laissé pour que le facteur te retrouve ? »

Donc lui, il avait compris que j’avais voulu reprendre le prénom de Sandrine mais j’étais incapable de lui dire. Il a été mis devant le fait accompli si je puis dire.

Et pour lui c’était particulier, j’imagine. C’était particulier parce que lui il traversait étonnamment la peur de l’abandon. Lui, il a eu peur que je l’abandonne. Non, je ne l’ai pas abandonné. J’ai juste recollé les morceaux. j’étais morcelée je pense. 

Pas loin de l’autisme. Alors, je ne sais pas si vous connaissez un peu le psychopatho, mais pas très loin quand même, de ce qu’on appelle les états limites, donc du morcellement, de l’éclatement de la personnalité du moins. 

Je suis passée à deux doigts mais, j’ai eu la chance de tomber du bon côté. 

Qu’est-ce que ça t’a apporté de retrouver cette identité, ce prénom hein dans ton quotidien physiquement, émotionnellement ? 

Comment te sens-tu maintenant ? 

Eh bien c’était pas facile de répondre à cette question parce que tu sais le temps a passé et je me suis installée dans une nouvelle réalité en quelque sorte. ce que je peux te dire c’est qu’aujourd’hui il y a encore des personnes, c’est très rare, très exceptionnel mais qui qui ont connu mes parents ou qui m’ont connu jeune qui qui disent Marie André puis qui se rattrapent aux branches. Et ça c’est insupportable.

C’est vraiment comme si on ignorait mon identité. Donc ça m’est insupportable, ça me met même en colère. 

Je ne sais pas quoi, comment te répondre. Je suis Sandrine quoi. 

Voilà, on m’interpelle, c’est moi, je me tourne, c’est naturel, c’est évident ça a correspondu. 

Toutes ces années ont correspondu au moment où j’ai fait un gros travail thérapeutique. 

Donc je suis à ma place aujourd’hui.

c’est quelque chose comme je suis à ma place à la fois dans mon métier, dans ma vie. J’étais quelqu’un de d’assez angoissé qui ne touchait pas les émotions. Aujourd’hui, je les touche, je les traverse et ma manière d’être au monde, elle n’a pas changé. OK ? 

Elle s’est enrichie, elle s’est transformée. Ce qui serait le plus, tu vois, ce qui me pose la question, souvent mais si je demandais aux gens qui m’ont connu avant, qui m’ont connu pendant, qui m’ont connu maintenant, qu’est-ce qu’eux ont vu de changer ? 

Je sais pas. Je crois que c’est vraiment un changement intérieur. 

C’est comme s’il y avait quelque chose qui s’alignait, qui se mettait en place. C’est pas bancal. Les émotions sont là et elles sont bien là. Le corps est là et il est bien là. Je vivais dans ma tête.

L’alignement, on en a parlé aussi notamment en parlant de la blessure d’abandon. 

Peux-tu développer ce que tu veux dire quand tu affirmes « Je sentais que ça n’était pas mon histoire, mais si c’est une part même si c’est une part de mon histoire. »

Déjà, je peux dire que c’était instinctif, c’était intuitif, c’était très troublant pour moi parce que il y avait pas matière à élaborer mentalement, je le sentais. C’était pas ma pensée qui disait « Oui, mais non, ce ne sont pas tes parents, blabla. » Non, non, non, non. 

Plus il m’en parlait et plus c’est pas moi, il y a quelque chose en moi. Ça connectait pas.

C’était beau, c’est une belle histoire. Je raconte aujourd’hui des histoires de mes parents au Congo, au Kenya, en Éthiopie parce que ça fait partie de mon de mon champ de conscience mais je sentais physiquement qu’il y avait quelque chose ailleurs à quoi j’avais besoin de me raccrocher ou de m’accorder. C’est comme un accordage.

Ce qui est intéressant, pour essayer de développer sur le plan de la psychogénéalogie, c’est une anecdote que je ne crois pas raconter dans mon livre, mais qui est vraiment très intéressante. Je sais plus si je la raconte dans mon livre ou pas, c’est que en même temps que j’ai fait ce travail, moi je me formais et en particulier à la psychogénéalogie.

Et donc je me suis formée à l’utilisation de ce qu’on appelle le génogramme. Génogramme,

c’est comme un un comment dirais-je un arbre généalogique mais avec l’histoire familiale.

Et quand je me suis formée, il faut faire son génogramme. Moi, je ne connaissais pas grand-chose.

Puis dans génogramme, il y a gêne, hein. Il y a les gênes. Et donc, j’ai demandé au formateur, mais qu’est-ce je fais ma famille biologique ou je fais ma famille d’adoption ? Elle m’a dit, tu dois faire les deux. 

Tu dois faire le génogramme de ta famille biologique parce que tu descends directement d’eux et ton histoire est la résultante de quelque chose de leur histoire.

Et tu dois aussi faire la l’arbogénéalogique de ta famille d’adoption parce que ce n’est pas par hasard que tu as atterri chez eux. parce que dans l’inconscient il y a quelque chose qui vous relie. 

donc me voila bien avec deux arbres de génogramme à faire. Et quand j’ai fait l’arbre de ma famille biologique, j’avais donc rencontré ma mère biologique. Je savais des choses et je savais notamment que j’avais un grand-père maternel qui était mort, comme je vous le disais tout à l’heure à Dachau. 

Et dans le travail sur l’arbre généalogique, on pose une question à un moment donné, c’est 

est-ce qu’il y a un personnage dans cet arbre qui vous attire particulièrement ? très instinctif et moi je ne sais pas pourquoi ce grand-père m’attirait. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas connu. J’ai découvert dans mon imaginaire c’est parce que s’il était à Dachau, c’est peut-être parce qu’il était résistant donc j’étais attirée peut-être. 

C’est mon côté épopée, destin. 

On était 10 à regarder mon petit génogramme là parce que j’avais pas grand-chose dessus quand même. Et et à un moment donné, il y a un des psychothérapeutes qui était là qui 

travaillait, un de mes collègues qui dit « Mais moi, je sais ce qui t’a attiré chez lui. Vous 

avez une chose en commun. »

Donc je regarde comment il peut savoir que j’ai une chose en commun avec cet homme ? Enfin et il m’a dit « Vous avez été tous les 2 déportés. » Oups. Quand il a dit ça, corporellement, il y a quelque chose qui vraiment m’a traversé de haut en bas. Et oui, lui il a été déporté.

C’est ce comme ça qu’on appelait le fait d’être envoyé dans les camps de concentration. Et moi, je suis la 4e enfant d’une fratrie de 6, d’une portée de 6 et je suis celle qui a été sortie de la portée et déposée donc j’ai été d’une certaine manière déportée. Tu vois même encore aujourd’hui quand je raconte ça, je sens encore des picotements dans mes jambes. 

J’ai dit c’est fou les liens inconscients. 

Et donc je peux pas mettre de de la rationalité là-dessus. Pour répondre à cette question qui est posée là, je ne peux mettre que cette expérience- là, ce vécu, ce ressenti. Je ne saurais pas théorisé là-dessus. C’est quelque chose qui m’appelait. 

Et quand j’ai entendu vous avez ce point commun avec ton grand-père, c’est mon grand-père, ça y est, c’est bon, il est adopté. Tu vois, il est adopté. 

Mais j’ai aussi mes grands-parents adoptifs, entre guillemets. Enfin, j’ai connu du côté maternel parce que les parents de mon père étaient décédés quand ils m’ont adopté. 

Chez mes grands-parents aussi. En fait, je suis riche. Moi, je dis c’est l’abondance. J’ai fait mon travail thérapeutique, on me posait des questions.

Alors, toujours le travail thérapeutique, on parle de la mère, on parle du père et la mère. C’était devenu un sketch quand on me disait « Bon, alors ta mère, je dis “laquelle ? Laquelle ? » parce que je peux répondre pour ma mère adoptive, je peux pas du tout répondre pour ma mère biologique. je peux répondre un peu. j’en avais trois, parce que j’ai eu une d’accueil que j’ai appelée maman.

Celle qui m’a adopté quand je disais maman, ça m’arrachait; ça m’arrachait la bouche. J’avais du mal à l’appeler maman et j’ai compris à 45 ans pourquoi ça avait été si difficile. Parce que moi je m’en voulais. Je m’en voulais. Je voyais bien que j’étais pas c’était pas gentil 

pour elle. J’étais pas méchante. Je crois que j’étais très gentille. Elle m’a toujours dit que 

moi j’avais rempli ma mission hein. J’étais drôle, sympa. Je lui avais rendu l’existence plus légère. 

Mais c’était une mission. Est-ce que c’était vraiment la mienne ? 

Et la deuxième question, là c’est plus une question de l’art des attachements versus amour. Est-ce que tu peux développer un peu plus ? 

Le sens auquel j’étais attaché mais j’avais du mal à aimer ? Ah oui ! Ah bah c’est pas la même chose. 

Connaissez-vous la théorie de l’attachement ? l’enfant qui s’attache. Tu es l’enfant qui s’attache. Les parents aiment ou n’aiment pas. Euh et bien sûr s’attachent mais quand il s’attachent entre guillemets à l’enfant, c’est parce qu’ils ont une blessure d’attachement. 

L’enfant s’attache aux parents.

La difficulté de l’enfant qui a été changé deux fois de cadre, donc qui a été déjà déposé à la DDASS et puis ensuite déposé dans une famille d’accueil et ensuite dans la famille d’adoption, c’est que pour l’enfant que j’étais, j’ai grandi dans ma famille d’accueil entre 6 mois et 3 ans. 2 ans et demi, j’ai passé. D’accord. 

Et pour avoir aussi rencontré ma famille d’accueil il y a quelques années, j’étais dans une famille aimante, ils ont été très très tristes de me voir partir.

J’appelais la dame maman, j’appelais le monsieur papa. Donc je m’étais attachée à eux et puis voilà, il y a des inconnus qui débarquent de nulle part qui m’emmènent dans un pays étranger et qui me disent « Maintenant, c’est nous ton papa et c’est nous ta maman. » 

Ah bon ? 

Je passe sur l’effroi que peut ressentir l’enfant, le sentiment d’abandon, le déchirement etc.

et en même temps c’est pas possible de les aimer. C’est pas possible parce que il y en a qui juste avant là, il y avait des gens très gentils avec moi. Comment on peut aimer ces gens beaucoup plus âgés que moi, très bien, très strict, très bien élevé, enfin bon. 

Mais cet enfant-là qui n’aime pas ces gens-là, elle souffre d’une angoisse d’abandon terrible, terrible. Et dans cette angoisse d’abandon, je m’accroche à ce qui est là. Et ce qui est là, c’est ma mère en particulier. C’est surtout ma mère. C’est cette femme que je n’aime pas, dont je ne veux pas. Et en même temps, si elle disparaît de ma vue, je suis terrifiée. 

Donc je suis prise dans un paradoxe, un clivage. c’est du clivage. Je suis clivée entre celle qui n’aime pas, qui ne veut pas de ces gens-là, qui et celle qui a besoin de pouvoir s’appuyer pour éviter l’angoisse d’abandon majeur. L’effroi. 

j’ai compris en travaillant sur moi que c’est l’effroi que j’ai traversé. 

C’est la terreur. J’étais terrorisé et donc je ne suis jamais partie en colonie de vacances. Mes parents pouvaient pas. Ils s’absentaient le soir parce qu’ils avaient une vie sociale. Je me souviens de certaines soirées. Même ces soirées-là étaient terribles pour moi. J’avais un besoin maladif de pour compenser l’angoisse d’abandon et en même temps, ce n’était pas eux que je voulais. 

c’est très compliqué, c’est très complexe. Et c’est là-dessus que le déni va s’appuyer aussi. C’est là-dessus. Oui, il va y avoir un attachement mais un attachement complètement insécure. 

Une autre question d’une participante. 

Comment as-tu conscientisé et agi avec ce conflit de loyauté ? 

ça ne s’est pas fait du jour au lendemain.

c’est un long processus je pense. C’est un long processus et de prise de conscience.

Je crois que même déjà assez jeune, je m’interrogeais. Moi, c’est passé par le sens de ma vie, la quête du sens. 

Plus que passer par qui je suis, c’est passé par qu’est-ce que je suis venue faire ici ?

qu’est-ce qui fait que j’ai travaillé 20 ans dans une banque, je me suis encore quand même globalement assez ennuyée et en même temps j’avais envie de réussir et en même temps et petit à petit je me suis rendu compte que là où j’étais, je n’étais pas à ma place professionnellement. Je crois que c’est passé d’abord par le professionnel. Oui, c’est ça. 

Parce que la reconversion, je l’ai anticipé avant, un petit peu avant tout ce que je vous raconte là.

Ensuite quand j’ai commencé ce travail, du coup ça m’a obligé à faire un travail de thérapie. Donc ça a ouvert quelques petites portes et puis il y a des gens qui m’ont posé des questions. Qui m’ont ce sont des questions en fait qui qui m’ont été posées par des gens extérieurs qui me disaient « Mais mais alors ta famille d’accueil tu les connais ? Tu les as revu ?”

Et ben non, je les ai jamais revu. 

Et eux qui me disaient “quoi ? Tu les as jamais revu ? Mais tu as passé combien de temps chez 

eux ?”

Bah je sais pas. je savais pas.

On m’a dit qu’a priori je serais resté dans la même famille pendant 2 ans et demi. Et donc c’est c’est la réaction des gens, leur questionnement qui me faisait prendre conscience de, je ne sais pas si je peux dire l’absurdité ou la gravité du sérieux de l’histoire.

Moi, je je suis quelqu’un, tu l’as un petit peu évoqué, tu vois, qui a qui aime bien rire, qui suit dans la légèreté, dans qui a une manière joyeuse de raconter des trucs dramatiques. 

et là, j’avais des gens qui ne riaient pas, tu vois. J’avais des gens qui ne rient pas. 

Il y avait des gens qui ne riaient pas.

J’ai un un coach qui m’a dit « Mais attends, je vais te donner une mission. » 

D’ici à la prochaine fois, tu vas compter le nombre de fois dans une phrase, dans une conversation, tu dis « Ce n’est pas grave » 

Et moi, “bah pourquoi ?” Alors moi, tu sais ma phrase à l’époque c’était « Mais c’est pas les mines de sel non plus. » 

OK. Bah oui. OK. J’ai été adopté mais enfin moi j’ai eu beaucoup de chance. Mes parents, ils 

ont été super. Même je peux dire qu’avec mon père c’est un vrai oedipe. Je l’ai beaucoup aimé quand j’étais petite fille. J’ai beaucoup détesté quand j’étais ado. 

Avec ma mère c’était c’était plus compliqué. J’avais conscience de ça. Mais bon c’est comme ça, c’est la vie quoi. 

ce sont les questions qui m’ont aidé à prendre conscience.

Des questions et des insistances mais c’était des gens qui savaient faire et puis qui me disaient quand je te pose la question là ça te fait quoi ? 

Rien. 

Non. 

On recommence. 

On recommence. 

Est-ce que tu as conscience de ce qu’est pour une petite fille de 3 ans de se retrouver du jour au lendemain dans un monde étranger avec des gens étrangers ? Et là, tu vois il fallait que j’y aille mais je voulais pas moi. 

J’avais coupé depuis toute petite tellement ça faisait mal.

Donc, j’ai été aidée à prendre conscience que ce que j’avais vécu certes ce n’était pas les

mines de sel. Je n’ai pas été un une enfant battue. J’ai été une enfant aimée, j’ai été une enfant protégée, mais qui a vécu traumatisme, grave.

Et là, que je sois capable de le dire aujourd’hui, je pense que tous ceux qui m’ont accompagné en particulier il y a une quinzaine d’années doivent avoir un grand sourire s’ils m’entendent en disant 

“enfin alléluia.”

Parce qu’il faut toucher du doigt la réalité du trauma pour en sortir, pour guérir les blessures. 

Parce que tant qu’on est dans la déflexion, c’est-à-dire éviter de toucher la blessure, on 

ne la guérit pas. Et donc on reste dans le faux.

Donc il faut y aller. Et moi je voulais pas y aller, je freinais des quatre fers et en même temps j’y j’y suis allée. 

C’est quelque chose en moi qui me poussait. 

Le chemin d’individuation : la crise existentielle

il y a quelque chose qui poussait et c’est un 

élément complémentaire de la réponse. Je vous invite à lire. Alors Jung, il est pas très facile à lire mais Jung, il décrit très bien ce chemin d’individuation, cette crise existentielle qui se présente à nous sous une forme ou sous une autre dès lors que nous ne sommes pas nous-mêmes. 

Immanquablement, ça se présente à nous. 

Soit c’est une petite voix qui nous appelle qu’on entend ou qu’on n’entend pas, soit c’est un accident majeur, soit c’est quelque chose qui vient nous secouer. 

La crise, ça vient du grec crisis, ça veut dire trier. Donc la crise existentielle, c’est ce qui 

nous appelle à trier le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux. Pas pour détruire. Moi, c’est 

très important moi que je vous je le dise et c’est dans mon livre, je crois que ça transparaît. 

Je n’ai jamais repoussé mes parents adoptifs. Je n’ai jamais eu l’intention d’abandonner. Je leur suis reconnaissante.

Nous avons fait chacun ce que nous pouvions et bon an mal an, c’est une très belle histoire.

Cependant, j’avais besoin d’aller contacter qui j’étais vraiment et j’étais vraiment Sandrine, pas quelqu’un d’autre. 

Peux-tu nous en dire plus sur le terreau du déni ? 

Le terreau du déni, c’est le fait que l’histoire qui est raconté, le pourquoi de l’adoption c’est sauver une femme qui a perdu un enfant. Il y a une mission. 

Donc si on parle vraiment de l’adoption, si on en parle tous les jours, si on parle de 

la famille d’accueil, si la famille d’adoption, ce qu’elle craint, c’est d’être abandonné. C’est ça qu’il faut comprendre.

les enfants abandonnés, ils ont leur histoire, les enfants adoptés, ils ont leur histoire, mais la famille qui nous accueille, qui nous adopte, elle a aussi ses peurs et ses raisons. Et donc le déni, il se nourrit du besoin de ne pas revenir en arrière. Il se nourrit du besoin de ne pas dire le vrai, de ne pas dire ce qui nous habite vraiment. et ça protège tout le monde. et en même temps, le déni quand on est dans le déni on n’est pas dans le vrai. On s’empêche de se déployer librement. 

Moi aujourd’hui, je ne peux pas dire que j’ai de regrets, mais je me dis si j’avais été capable de parler vraiment avec ma mère de mon adoption, de ce que elle a pu vivre à cette occasion, de rentrer vraiment dans la difficulté qu’elle a rencontré avec cette petite fille qui ne voulait pas, je crois que notre relation aurait été facilitée et et j’aurais été vraiment une fille et pas au fond, une personne qui prenait soin d’une autre personne. J’ai pris soin d’elle en fait. Mais à 12 ans, c’est pas le rôle d’une gamine de prendre soin de sa mère. 

Une autre question d’une participante. Comment as-tu fait pour te réapproprier ton histoire ? J’ai 

comme l’impression qu’il y a un décalage. Puis à un moment donné, ça s’est réaligné. Ben ça s’est aligné. 

Je pense que c’est un ensemble de choses. Le travail thérapeutique, le travail que j’ai fait de psychothérapie accompagné pendant cette quête. la formation que j’ai suivie de 

psychothérapeute qui m’a aussi fait comprendre et qui m’a fait j’ai beaucoup beaucoup travailler 

sur ma déflexion sur le le la coupure avec mes émotions. J’étais coupée, vraiment coupée. 

J’avais pas d’émotion. 

Donc travail sur les émotions, ça veut dire quand tu exprimes quelque chose, quand tu dis ça, qu’est-ce que ça te fait ? Bah rien. OK. Tu vois, au début, je dis bah rien. 

Mais qu’est-ce qui se passe dans ton corps ? Bah rien. Et puis petit à petit, si quand je te réponds là, je sens que j’ai quelque chose au niveau du plexus. Je ne sais pas ce que ça veut dire mais je sens mon plexus. ça tourne et puis et puis tout d’un coup c’est une montée de larmes qui vient au détour d’une phrase, que d’habitude moi je jugulais. 

ça n’avait pas le temps de monter même à la gorge c’était jugulé ici et là. c’est accompagné par de bons thérapeutes. 

c’est laisse venir laisse et moi, je veux pas je veux pas parce que j’ai peur d’être 

englouti par celle-là. j’ai pleuré beaucoup.

J’avais une thérapeute qui me disait, Ta joie, elle est magnifique. Mais la vraie joie, 

la joie intérieure, la vraie la joie profonde et intérieure, elle suppose que tu es tu sois aussi 

à l’aise avec la tristesse sur la polarité, joie, tristesse, que tu saches aussi aller. Sinon, tu 

es en déséquilibre permanent. 

Et quand ça a besoin de pleurer, ben ça a besoin de pleurer et il y a à s’accueillir dans cette tristesse. 

il y a eu ce travail-là et puis il y a eu travail d’écriture. Alors le travail d’écriture, quand j’ai écrit ce livre, je me suis rendu compte que tout mon travail psychothérapeutique, il avait vraiment 

porté sur l’accompagnement dans la quête.

Donc l’accompagnement de la nana de 45 ans que j’étais à l’époque et et accompagner ses peurs, l’aider à traverser des émotions, à pas juguler, comprendre pourquoi une mère peut déposer son enfant à la DDASS permettre à la colère contre les parents de s’exprimer en thérapie. 

Mais on avait pas du tout pris soin de la petite fille, du tout du tout du tout. Je me suis aperçu que je n’avais jamais parlé de la petite Sandrine. Jamais, surtout pas. surtout pas. 

J’avais déjà suffisamment à faire avec la grande qui était encore Marie-André qui allait redevenir Sandrine. Et 

donc écrire et si vous lisez ce livre, vous verrez qu’il y a des flashbacks où je parle de la petite fille. Le temps que j’ai passé à décrire les émotions de l’enfant, sa peur, sa colère, c’est un temps de thérapie.

J’ai contacté cette petite fille, je me suis connectée à elle, j’ai imaginé, je l’avais jamais fait ce que vit une enfant. Je l’avais fait un peu mais pas complètement. Donc l’écriture m’a fait beaucoup de bien, vraiment beaucoup beaucoup de bien. Puis après ma tu vois le fait d’en parler, de parler de livres, de parler de l’histoire, tu sais que c’est aligné quoi. 

Je suis en paix.

C’est donc contacter ses émotions. Chasse le naturel, il revient au galop. Il y a des fois, je me la garde l’émotion, tu vois. 

Je me la garde mais j’ai conscience que je me la garde. Je sais qu’elle est là. Je sais que ça tape dans le cœur. Je sais que ça secoue au niveau périgastrique, qu’il peut y avoir un peu d’angoisse etc. 

Et je regarde, je le regarde, je le traverse, je ne le montre pas forcément.

J’ai encore au fond beaucoup de mal à ça, à faire confiance, tu vois, sauf avec certaines personnes avec lesquelles je suis vraiment dont je suis très très proche et qui m’ont accompagné. J’ai deux amis qui m’ont accompagné, je sais leur dire ce qui se passe. 

Les autres, ça dépend, ça dépend. D’accord. Mais la différence, c’est que maintenant je vois, je dis « Hop hop hop hop hop, je la connais cette sensation parce que maintenant.”

je les repère. Hop hop hop hop, ça monte là.

OK, je respire, je dis pas, je vois pas de ça, je dis c’est là, bienvenue. Et alors tout un travail spirituel aussi. Alors, ça m’est propre hein, parce que dans bienvenue, il y a vraiment accepter ce qui se manifeste ici et maintenant sans jugement. Mais ça c’est une démarche psy,

c’est aussi une démarche spirituelle. Qu’est-ce qu’il m’est donné de vivre maintenant ? 

Et est-ce que je sais le traverser ? C’est c’est très inspiré du bouddhisme, c’est très inspiré de pas mal de sagesse. 

j’ai aussi cette vie par ailleurs spirituel qui, je crois, m’a aidé, mais ça m’a aidé dès lors 

que j’avais fait le travail de fond. Sinon, c’est une évasion. 

Et moi, je ne m’évade plus, je suis là. 

Retrouvez Sandrine pour la 5ème édition du Sommet Virtuel des Adoptés 

Un grand merci Sandrine pour ce partage et si cette conversation vous a plu, je vous invite à nous rejoindre pour la 5e édition du sommet virtuel des adoptés qui aura lieu du 24 au 28 novembre 2025.

En effet, Sandrine a accepté de nous retrouver pour cette nouvelle édition où l’on abordera la psychogénéalogie, un autre pan de son expertise. 

En attendant, je vous invite à partager et diffuser cet épisode car saviez-vous qu’une personne sur 7 est concernée par l’adoption ?

Version 1.0.0

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