Le Journal d Une Adoptée

Témoignage : Élisa, adoptée de Corée

Publié par Sandra le

Témoignage de Elisa, adoptée de Corée

Dans cette 2ème partie, on rentre plus en détail dans l’expérience d’Élisa.

Retrouves la 1ère partie ici : 1ère partie du témoignage d’Élisa

Ses relations avec ses parents : comment elle a décidé de rechercher sa famille biologique, les relations tendues en découlant avec ses parents (adoptifs).

Ses tentatives de suicide et comment elle a réussi à transformer ces pensées noires.

Et le chemin de l’apaisement ainsi que ses projets pour le futur 🙂

Née dans les années 70 en Corée, Élisa a rejoint la France par avion où ses futurs parents l’attendaient à l’aéroport. Dans cet épisode, elle se livre sur son enfance, l’environnement dans lequel elle a grandi, comment elle s’est construite avec une identité « franco-française » et sur la naissance de son fils qui a engendré des questionnements sur sa propre naissance.

Transcription de l’interview

[Question] à partir de la naissance de ton fils, tu as pu commencer à lever le voile et mettre des mots.

T’es-tu demandé si tu avais besoin d’aller connaître une vérité ? De partir à la recherche de tes origines ?

Ou bien est-ce que cela a encore mis un peu plus de temps pour que tu fasses cette démarche ? 

Combien de temps a mis ta démarche avant de retrouver ta mère biologique ? 

Alors la démarche, elle est arrivée beaucoup plus tôt. Bien avant que j’ai mes enfants et que je me marie. 

Moi ça fait partie de mon histoire. Elle est imbriquée dans plein de choses. 

Si on revient un petit peu en arrière par rapport au fait que j’ai grandi avec mes parents. C’était une famille assez compliquée, dysfonctionnelle. Très vite, j’aime pas trop rentrer dans les détails, c’est vrai qu’en plus, c’est un peu émouvant pour moi, parce que c’est pas facile. c’est vrai que j’ai manqué de rien. Et en même temps j’ai manqué de tout. 

C’est un peu ça, la contradiction. 

Parce que je n’ai pas grandi dans un cadre sécurisé. Matériellement, j’étais vraiment à l’abri et puis émotionnellement par contre, c’était la catastrophe à la maison. 

Très très jeune, j’ai eu ce sentiment profond qu’en fait la mort, c’était la seule solution à mes problèmes. 

Très vite, j’étais enfant, j’ai vraiment eu envie de mettre fin à mes jours. Très rapidement. 

Alors, j’ai pas fait tout de suite la démarche de passer à l’action. Mais en tout cas, c’est une idée qui a grandi et d’autant plus avec l’adolescence. Par contre, je suis passée à l’action à 16 ans et puis à l’âge de 20 ans. Là, ce qui est très très intéressant, c’est que ma tentative de suicide à l’âge de 16 ans, elle est restée entre mon père, ma mère et moi. Mais ma mère ne s’en souvient absolument plus aujourd’hui. quand j’en parle, elle nie complètement les faits. donc c’est assez douloureux pour moi. 

j’ai quand même vécu dans ce désir de mourir. et puis j’ai pas été suivi. on m’a pas emmené des psys. On a voulu régler ça entre nous. J’étais élevée quand même dans un contexte un petit peu de foi. Je dis un petit peu parce que de manière traditionnelle, mes parents sont catholiques. ma mère a grandi dans un milieu plutôt très très catholique. elle a essayé de me transmettre quelque chose. mais mes parents c’est vrai qu’ils n’ont pas voulu m’imposer quoi que ce soit. 

L’impact de l’adoption

Mais comme l’adoption, tu ne veux pas déranger. tu veux rentrer dans le moule. évidemment moi très vite j’ai embrassé cette culture. j’ai voulu faire mon baptême à l’âge de 11 ans ce qui est assez tard. c’est quand même un choix personnel. mais soyons honnête, à 11 ans, j’avais pas j’avais pas lu la Bible. 

je connaissais très peu de choses on m’a envoyée au catéchisme de l’Aumonerie de mon collège. j’ai voulu un petit peu faire ma communion, faire mon baptême pour faire ma communion ensuite, pour faire comme les autres. parce qu’il y avait une fête. j’ai quand même pu entendre certaines histoires de Jésus. j’ai pu voir des extraits de film. 

enfin il y avait des choses qui passaient aussi à la télé. 

Donc je me suis un peu intéressée. j’ai eu cette croyance quand même qu’il existait un dieu. j’ai pas du tout compris parce que, je suis désolé pour les catholiques qui m’écoutent, mais moi ça ne me parlait pas du tout. 

je ne comprenais rien quand j’allais à la messe. j’ai continué de croire malgré tout, de manière un petit peu agnostique, de manière un petit peu catholique, jusqu’à l’âge de 20 ans. 

Une dépression profonde

À l’âge de 20 ans, je tombe dans une dépression profonde. des circonstances entre un échec de mes études. 

je faisais des études en droit. pour mes parents c’est très important particulèrement pour ma mère. 

échec cuisant parce que j’y arrive pas du tout. je rame à fond. et puis le contexte familial qui est qui est très dur. et je décide une deuxième fois de de mettre fin à mes jours. 

Et là par contre, ils sont obligés de d’appeler les pompiers, de m’emmener à l’hôpital. 

je fais un séjour en psychiatrie dans une maison de repos. 

mes parents ont réussi à me faire revenir à la maison en faisant entre guillemets entendre raison alors que j’aurais dû passer plusieurs mois en maison de repos.

C’était le diagnostic des médecins, des psychiatres à l’époque. Il fallait que je me repose absolument.

Mais mes parents m’ont promis que le cadre allait changer, qu’il allait devenir sécurisant, qu’ils allaient faire des efforts, etc.

Je suis rentrée et puis ça a duré 3 mois. au bout de 3 mois, tout est redevenu comme avant. le cauchemar. Ce fait là, moi j’ai arrêté de croire qu’il y avait un Dieu, parce que je me suis dit “il est pas là.” il ne répond pas à mes prières. il est pas là. 

Donc de l’âge de 20 ans, jusqu’à l’âge de 28 ans, je suis devenue complètement athée avec vraiment un fort sentiment de rejet. Je ne voulais absolument pas entendre parler de Dieu. 

On a l’impression qu’on s’éloigne un peu de ta question mais pas du tout. 

Les auditeurs vont comprendre pourquoi après. 

j’ai eu après mes études, après ma licence en droit, je suis partie tout de suite en Angleterre. Je voulais partir même plus loin. je voulais être fille au pair soit aux États-Unis, soit en Australie. Pour mon père qui m’a adoré, c’était trop dur pour lui. on a trouvé un compromis. Donc je suis partie à Londres, c’était beaucoup plus près. le jour où je suis partie, mon père n’arrêtait pas de pleurer. On aurait dit que c’était moi qui l’a abandonné. C’était vraiment très très difficile pour moi, hyper culpabilisant. Et puis j’ai fait mon petit bout de chemin à Londres. 

Pendant 4 ans presque, et durant le temps où j’étais là-bas, j’ai rencontré ma meilleure amie qui était en train de se rapprocher de l’église. Je l’ai vu se transformer vraiment. Parce que c’est une jeune femme que j’ai rencontré à l’époque qui était un peu timide. On l’a sentait un petit peu mal dans sa peau. Elle avait aussi vécu des traumas dans sa vie. Elle avait voulu fuir la France pour trouver une nouvelle vie à Londres. Elle était Française aussi. Très vite, je l’ai vu évoluer d’une manière assez surprenante. J’ai été beaucoup arrêtée dans la rue et dans mon travail par des chrétiens qui ont été mis sur ma route. c’était intéressant mais à chaque fois je répondais toujours “c’est bien pour toi, mais c’est pas pour moi”. 

Au moment où je suis rentrée en France, j’avais donc 27 ans. j’ai rencontré un jeune homme avec qui on a eu une relation. C’était la première relation, j’étais quand même déjà une adulte bien affirmée. C’était une longue relation. J’avais jamais eu une relation très longue. et là quand je parle très longue, c’était de quelques mois. Au bout de 8 mois, cette relation s’est terminée et ça m’a mis dans une dépression profonde. 

La blessure de l’abandon chez la personne adoptée

Maintenant, je peux dire que c’était associé à la blessure de l’abandon. Elle est tellement forte en nous. tout ce qui correspond à un abandon, une rupture, un deuil, ça peut faire ressortir chez nous et décupler, je pense, des traumas qu’on n’imagine même pas. 

Moi qui vivais bien jusqu’à présent, depuis que je m’étais émancipé à Londres, je n’avais plus jamais eu ces ces idées de suicide, de dépression. 

et là vraiment, ça a commencé à revenir en force. il y a eu un concours de circonstances, entre ma grand-mère qui est décédée la même année et ensuite, j’étais commerciale à l’époque, je n’avais plus la force de faire mon chiffre d’affaires, d’aller chercher des clients. j’ai perdu mon travail en fin d’année. Je vais avoir 28 ans. je me dis “mais élisa, tu es nulle. tu n’es pas mariée. tu n’as pas de gars. tu n’as pas d’enfant. tu n’as pas de boulot. mais à quoi tu sers ? tu ne sers à rien en fait. 

donc comme tu sers à rien, mais ça ne sert à rien de vivre. et ça tournait en boucle et en boucle et en boucle dans ma tête.

Une amie pour l’aider et un retour à Londres

Je me disais “mais là maintenant que je vis toute seule, c’est le moment où je peux mettre fin à mes jours.”

C’est le moment où je peux laisser cette vie dans laquelle je suis prisonnière. j’ai tout fait vraiment. Je devais donner le change tout le temps pour ne pas que les gens pensent que je n’allais pas bien.

J’essaie de mettre fin à mes jours et j’ai pas la force d’aller jusqu’au bout. 

J’appelle ma meilleure amie et je lui dis “écoute, je suis tellement nulle que j’arrive même pas à me suicider.” Et elle, d’une voix très calme, elle me répond “écoute c’est pas le moment. c’est pas le moment de Dieu. viens à Londres. viens te reposer un peu. je vais prendre soin de toi.” 

J’y suis allée. Je ne sais comment. J’ai pris un billet aller/retour pour y aller un mois. 

Dès que je suis arrivée, elle m’a dit “Elisa, est-ce que tu veux aller à l’église dimanche ?”

Alors moi, j’avais déjà accompagné dans des services d’église, tout ça. 

Mais c’était vraiment pas des églises qui me parlaient. c’était tellement différent des églises catholiques que j’avais connu. C’était trop de paillettes, trop de chant, trop de musique, trop de personnes qui parlent fort. 

Enfin ça j’ai pas gardé un très bon souvenir. je me dis “qu’est-ce que j’ai à perdre ?” donc j’y suis allée. ce qui est incroyable c’est que j’étais complètement déprimée. 

j’écoute le pasteur qui parle qui parle, qui parle. il avait un certain humour ce pasteur.

Contact de Elisa, adoptée de Corée

Pour contacter Élisa : chercher Eli Noel sur Facebook ou passer par Linkedin.

Si son témoignage t’a aidé, t’a éclairé, s’il t’a permis de mettre des mots sur des maux, de te reconnaître dans une situation que tu n’avais pas encore identifié, penses à lui laisser un petit message, dans la partie commentaire, en bas de ce post.

Élisa a à coeur d’ouvrir la voie à d’autres personnes adoptées, alors je suis sûre que tes paroles lui feront plaisir 🤩

Catégories : Podcast

2 commentaires

Caroline · 22 avril 2024 à 14h14

Merci à Elisa pour ses partages ! C’est une belle résiliente !

CréActiv' Epanouies · 22 avril 2024 à 14h59

Merci pour ce témoignage captivant

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