Témoignage d’une adoption internationale : Marine, 48 ans
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Marine, 48 ans, est née en Pologne. Elle est arrivée en France s’est fait à l’âge de 6 ans, avec sa soeur.
Marine est déjà venue sur ce podcast pour parler liens d’attachement.
Aujourd’hui tu vas nous parler un petit peu plus de ton expérience de vie en tant que que personne adoptée. Elle se livre dans cet épisode sur ces expériences en tant que personne adoptée, les souvenirs qu’elle gardent de son enfance, les relations avec ses parents et sa soeur.
▬▬▬▬▬▬▬▬▬ CHAPITRES ▬▬▬▬▬▬▬▬
- 00:00 : Qui est Marine ?
- 01:05 : A t’elle des souvenirs de son arrivée en France ? Marine nous raconte ce qu’elle a découvert lorsqu‘elle a retrouvé sa mère biologique et les différentes versions de sa famille biologique
- 08:08 : La version de l’orphelinat
- 08:25 : Rassembler les morceaux de son histoire : où se trouve la vérité
- 08:50 : Retrouver la famille ne résout pas nos problèmes MAIS…
- 14:26 : Quand elle a demandé à sa mère de lui parler de son histoire
- 15:02 : A t’elle eu du soutien de sa mère ?
- 16:18 : Marine a t’elle des souvenirs avant ses 6 ans ?
- 30:35 : Pour faire autrement, il faut se faire aider
- 31:15 : Concernant ton mal-être, avais-tu mis des mots dessus ?
- 36:15 : Elle ne s’est pas sentie abandonnée
- 36:45 : Parler de son adoption aux autres
- 38:00 : La banalisation de la violence
- 39:06 : Quel est ton 1er conseil pour se sortir d’un cercle vicieux ?
- 41:08 : ça veut dire quoi raconter son histoire ?
- 42:33 : Les retrouvailles avec sa mère biologique et l’impact sur ses enfants
- 44:15 : Merci à tous les parents qui font un chemin avec leurs enfants
Belle écoute et n’hésitez pas à laisser un petit mot de soutien ou de remerciements à Marine en commentaire ci-dessous ⬇️🙏
Qui est Marine Plantier ?
Je suis Marine Plantier, j’ai eu 48 ans dimanche. Je suis née en Pologne en avril 1976 sous le régime communiste d’une union libre entre une mère polonaise allemande issu d’une famille catholique et d’un père polonais qui est un peu plus âgé que que ma mère.
Concernant ma famille française, j’ai été adoptée à l’âge de 6 ans. Je suis arrivée en octobre / novembre 82 en France, dans une famille française assez bourgeoise catholique, en région parisienne.
Te souviens-tu de tes 6 premières années pré-adoption ?
Tu es arrivé en France à 6 ans. As-tu des souvenirs de ce qui s’est passé ou de ton enfance en Pologne ?
Ce qui est très amusant, on en a parlé ensemble, mais j’ai retrouvé ma mère biologique, en juillet 2023, grâce à ma sœur qui a été en Pologne et qui l’a retrouvée.
Grâce à cette retrouvaille avec ma mère biologique, j’ai pu avoir des informations concernant ma petite enfance et concernant ce qui s’était passé par rapport à mon histoire.
Ce qui s’est passé, c’est que ma mère de naissance était dans une union libre avec un homme polonais. Elle n’avait que 19 ans quand elle m’a eue. Ce que j’ai compris, c’est qu’elle n’avait pas les épaules pour m’assumer financièrement. C’est ma grand-mère maternelle qui s’est occupée de moi. Mon père était très peu présent, a priori, dans ma vie quand j’étais toute jeune.
Ce que j’ai compris aussi c’est que mes parents biologiques, à l’époque, ne travaillaient pas. Ils ne faisaient rien de leur journée. L’alcool était déjà présent dans leur vie.
Donc c’est quelque chose que j’ai eu comme information cet été.
Ce que j’ai aimé, c’est que j’ai su, grâce à ma mère biologique, à quelle heure j’étais née et comment elle avait accueillie ma fente puisque je suis née avec une fente.
Ma fente biopalatine est héritée de mon père alors je pensais que c’était ma mère.
C’est lui qui a une fente et elle m’a expliqué que ça avait été un choc à l’accouchement. Elle ne s’attendait pas du tout à ça. Elle n’avait pas compris que ce qu’avait mon père était héréditaire. En plus dans ces années-là, il n’y avait pas d’échographie.
Donc c’était un peu la surprise. Ce que je trouve intéressant, c’est que je suis née par voie basse. ça s’est bien passé, il n’y a pas eu de complication. ça, déjà, je trouve important d’avoir ces informations pour mieux grandir et se sentir sereine par rapport à sa vie d’adulte.
Ce que j’ai appris aussi c’est que ma mère était censé se marier avec cet homme. j’ai une sœur aussi. On est 2 filles de cette union. Le jour de son de son mariage, elle ne s’est pas présentée. Elle ne s’est pas présenté à la mairie. Elle ne s’est jamais mariée avec cette homme.
Il y a une autre chose qui est assez importante, c’est un peu décousu ce je dis mais je suis retournée en 2012 en Pologne avec mon mari. c’était pour aller visiter un peu là où j’étais né puis peut-être éventuellement retrouver des traces de ma vie d’avant. ce qui est amusant c’est qu’en me baladant dans le quartier où j’avais grandi enfant, j’ai dit à mon mari, il y avait un monsieur en face sur l’autre trottoir et j’ai dit à mon mari, mais il faut que j’aille le voir ce ce monsieur il me dit quelque chose quoi juste comme ça au feeling au physique et en fait quand je me suis présentée avec ce monsieur alors je suis dit voilà je cherche Ursula Aman, qui est le nom de ma mère biologique. il m’a dit est-ce que tu es catarzina ?
et où est Émilia qui est ma sœur ? ce monsieur me dit écoute, ce que je comprends c’est que c’est mon oncle, puisqu’il me dit si tu veux tu peux voir ta mère demain.
Le choc : retrouver des parents biologiques en vie alors que l’histoire les voulait décédés
et là en fait j’ai eu un tel choc j’en ai été sidérée parce que moi pendant 40 ans, non 36 ans quand j’y suis allée, on m’a toujours dit que mes parents étaient morts. mon père s’était tué dans les mines et ma mère s’était balancée sous une voiture à cause de la mort de mon père.
Donc vous imaginez le choc quand on vous apprend que vos deux parents biologiques sont vivants et qu’en plus ils n’ont jamais déménagé. Ils habitent toujours au même endroit, dans mon pays d’origine. ça a tellement été une sidération pour moi que mon corps s’est mis à parler. je n’arrivais pas à parler par la parole. Mon oncle m’a dit « est-ce que ça va ? »
je dis que je me sens pas bien et je dis à mon mari, il faut que je rentre à l’hôtel. il faut que je m’en aille. alors que je discutais avec le monsieur, j’ai eu besoin de de partir et pourquoi j’ai eu besoin de partir parce que tout mon corps me disait kidnapping argent. j’avais que ces deux mots dans la tête.
Ce que j’aurais appris cet été en juillet 2023, par ma mère biologique, c’est que pour elle il y a bien eu une tentative d’enlèvement faite par mon père et mon oncle, à celui avec qui je parlais.
Mon corps a parlé ce jour-là. quand elle m’a dit ça j’étais vraiment très surprise mais en même temps ça m’a confirmé combien le corps, quand il y a plus les souvenirs, les images, le corps emmagazine l’information.
Quand il se retrouve de nouveau dans la situation dans laquelle il a été confronté 20 ans ou 30 ans ou 40 ans avant, il est capable de se rendre compte qu’il revit la même chose. L’image que j’avais quand j’étais dans cette scène, c’est la petite fille de 6 ans.
c’était la petite Marine, catarzina à l’époque, qui revivait la même chose. j’avais des crises d’angoisse. c’était juste horrible j’ai expliqué ça à mon mari à l’hôtel en lui disant « écoute, je comprends pas. j’ai l’impression qu’on va me kidnapper, demander de l’argent. J’en ai eu des crises d’angoisse à l’hôtel.
Je ne peux pas ouvrir cette porte. je me sens pas bien. ma mère a mis des mots sur ce que j’avais vécu sans qu’on se soit concerté évidemment. j’ai trouvé ça quand même complètement dingue cette histoire. ce que j’ai compris après quand même, parce que j’ai eu des explications. j’ai retrouvé 2 sœurs et une cousine, des oncles des tantes. j’ai compris que j’avais des racines allemandes des racines aussi des Pays-Bas.
Une sorte de kidnapping et différentes versions
Toute cette histoire je l’avais pas. ce que j’ai compris c’est que ma mère biologique quand même le fait qu’on a été kidnappé. Ma soeur et moi, on a été ce qu’elle appelle kidnappé, ou en tout cas enlevées.
elle m’a dit que j’étais très naïve et que à l’époque des femmes seules avec des jeunes enfants c’était facile de lui prendre ses enfants. c’est un moyen de les donner aux blancs riches.
ça c’est la version de ma mère.
Quand j’en parle avec ma cousine, c’est pas tout à fait la même version.
Ma cousine me dit quand même que ma mère avait des incapacités de s’occuper de nous, de moi et de ma sœur. elle avait aucun moyen pour subvenir à nos besoins. l’alcool était quand même très présent.
Quand elle me donne toutes ces informations là, j’ai eu quelques flash d’images qui sont remontés à la surface.
Je me dis ok, il y a quand même une sorte de vérité. On fêtait Noël, on avait des repas normaux tant que la grand-mère était vivante parce qu’il y avait beaucoup de choses qui arrivaient d’Allemagne à l’époque. elle demandait à notre famille allemande d’envoyer des trucs. à partir du moment où ma grand-mère est décédée tout est dégringolé.
Ma mère biologique s’est retrouvée incapable de s’occuper de nous. en plus elle était seule. elle n’avait pas son compagnon. Il s’en foutait a priori. il ne s’occupait pas de nous.
voilà la version de ma cousine.
Moi au milieu, j’ai une autre version qui est celle de l’orphelinat. On a été placé pour maltraitance, pour négligence grave, perte de l’autorité parentale. Ma mère pouvait partir plusieurs jours de l’appartement, nous laissant seules, sans rien. elle faisait venir des hommes dans l’appartement. C’est assez dangereux pour moi et ma sœur.
voilà ce qui est la version officielle de l’orphelinat.
Quand tu peux rassembler les morceaux de ton histoire, il va y avoir différentes versions. Va savoir qu’elle est la bonne. c’est pas facile de se dire où est la vérité ? Il y a peut-être un peu de vérité dans chaque chose. Il faut que j’accepte qu’il y a différentes manières de voir la même histoire.
Ainsi, retrouver ses parents biologiques ne résout pas tout, MAIS…
C’est important comme point parce que c’est vrai qu’on pense que, quand on va retrouver notre mère biologique, ou une partie de la famille, on va pouvoir avoir des réponses à nos questions. Tous nos problèmes vont être résolus.
Or, ce n’est pas du tout le cas.
Non, ça résout pas nos problèmes mais ça m’a aidé à apaiser à, m’apaiser. Le fait que ma mère m’ait raconté sa version à elle, que j’ai une autre version de l’orphelinat et une version de ma sœur ou de ma cousine qui est un peu qui différente, je me dis que là-dedans, c’est à moi de me faire ma propre vérité, mon propre avis.
Mais je pense que ma mère biologique a honte aussi peut-être de ce que de ce qui s’est passé. Peut-être qu’elle n’assume pas totalement ce qui s’est passé. Elle se couvre derrière la responsabilité de mon oncle et de mon père pour ne pas assumer ses parts de responsabilités.
Je lui ai dit que je ne lui en voulais pas. aujourd’hui, la vie que j’ai, je l’aurais pas eu si j’étais restée en Pologne.
Malgré ce que j’ai vécu avec ma mère adoptive, il y a du positif dans toute cette histoire.
C’est amusant parce que la première fois que j’ai parlé avec ma mère biologique, j’avais beaucoup de colère qui montait. Je la sentais monter, je me disais mais est-ce que je vais arriver à lui parler ?
Est-ce que je vais vouloir lui parler ?
En fin de compte, j’ai dit « si si il faut que je lui parle » Il faut que les choses soient apaisées et la première chose que je lui ai dit, parce qu’elle m’a demandé comment j’allais, où est-ce que je vivais.
Elle me dit « ça fait 40 ans que je te cherche ».
Je pense que de m’avoir dit « ça fait 40 ans que je te cherche et je veux savoir où tu es et comment tu vas », ça m’a apaisé direct.
Je me suis dit ok on va pas être là pour se Fighter.
On va être là pour essayer de comprendre chacune nos points de vue, ce que chacune a vécu.
à quoi était lié ta colère lors de la rencontre avec ta mère biologique ?
La colère que tu que tu ressentais, qui allait sortir, c’était par rapport à quoi ?
Au fait qu’elle t’est laissée ? Ou parce que tu n’as pas été si heureuse que ça car tu n’as pas été intégrée dans une famille bienveillante ?
Est-ce que tu as pu mettre des mots sur cette colère ?
Oui oui, j’en voulais de ne pas avoir été une mère, comment moi je conçois comment on doit être une mère. Parce que chacun a une conception différente de qu’est-ce qu’une mère. j’en voulais de ne pas avoir assumé son rôle de mère.
Ce que j’ai appris quand même, c’est que j’ai 2 autres sœurs et qu’elle n’a pas assumé non plus son rôle avec ses 2 autres enfants. Elle n’a jamais éduqué aucun de ses filles. Elle a eu 4 enfants. On était 4 filles. Moi et ma sœur on a été placée à l’orphelinat. Ma sœur Annia est restée vivre avec elle mais c’est sa grand-mère qui s’en occupait. Ma 4e sœur est née polyhandicapée, elle est en institut et c’est pas le même papa. c’est pas le même père que moi et ma sœur. Ma 4è sœur, c’est un autre père on a juste une mère en commun.
As-tu eu un soutien de tes parents adoptifs dans ta recherche ?
Pendant la période de retrouvailles, tes parents adoptifs étaient-ils à tes côtés ?
Le voyage de sa soeur dans leur pays d’origine
Cet été quand ma sœur y a été, j’ai eu ma sœur au téléphone tous les jours parce qu’elle avait besoin.
Elle m’a fait rire parce qu’avant de partir elle m’a dit “non mais moi ça va gérer. je vais gérer tranquille. j’ai fait beaucoup de travail sur moi. t’inquiète”
et j’avais dit non mais prends quand même cette huile là, cette huile là et puis ça éventuellement pour t’aider. Elle me dit ok je vais le prendre dans ma valise. et heureusement.
On se rend pas compte, je crois, que quand on retourne sur les traces d’où on vient, en fonction de son histoire, de la lourdeur de son histoire évidemment, que l’émotionnel va remonter et que tu sois préparé ou pas, soutenu ou pas, ça remonte.
Je trouve assez intéressant que ça remonte parce que ça te donne un indicateur interne de : “qu’est-ce qui est juste, pas juste, qu’est-ce qui se passe à l’intérieur de moi ?” “qu’est-ce que je ressens par rapport à la situation que je suis en train de vivre ?”
Comme je te racontais avec le corps qui m’a vraiment donné des informations auquel je ne m’attendais pas mais qui m’a permis de ne pas ouvrir une porte parce que j’étais pas prête clairement pour ouvrir cette porte là.
Oui, ma sœur je l’ai soutenu tout le séjour où elle était là-bas. après je sais qu’elle a contacté ma mère adoptante.
Je ne parle plus à ma mère adoptante depuis maintenant 11 ans quasiment.
Ma sœur lui a demandé des informations ou des confirmations par rapport à la version de ma mère biologique de ce qu’elle nous avait raconté.
Parents adoptants et pays d’origine
Ma mère adoptante, tu ne peux pas avoir de conversation avec elle, ni ce qui se passe. Elle n’écoute pas la question. Elle va te parler d’autres choses. La Pologne, notre pays de naissance, pour elle, n’est pas un sujet.
Quand on a été adopté ma sœur et moi, à partir du moment où on arrivé en France, la Pologne n’existait plus. On change la langue, on change le prénom, on change la culture, on change tout. Et puis on évite de dire qu’elles sont adoptées aussi au passage.
Comme on était blanche, ça passait. ma mère ne voulait pas adopter des enfants de couleur parce que je pense qu’elle n’assumait pas le fait de devoir expliquer.
Là, 2 filles blanches, ça passait dans le décor. Plus facile à assumer. Inconsciemment, j’ai peut-être pendant des années nié mon histoire, qui j’étais vraiment.
Personne ne m’en parlait, c’était un non sujet. Une adoption plénière sans accès aux origines.
Oser poser des questions sur ses origines
La seule fois où j’ai posé une question à ma mère, en lui disant mais c’est quoi mon histoire ? J’ai besoin de savoir. J’avais 6 ans donc j’avais quand même conscience de ce qui se passait. Elle m’a dit écoute : ton père est mort dans les mines et ta mère s’est suicidée après sa mort.
Elle avait précisé qu’elle était alcoolique au passage.
quand j’ai vu sa réponse j’ai bien compris que je n’aurais rien d’autre.
et je n’ai plus jamais reparlé de ce sujet-là avec elle mon père j’ai même pas essayé dans le sens où il travaillait tellement que moi j’ai l’impression de pas avoir eu de père.
Il n’était quasiment jamais là. j’ai quelques souvenirs de vacances mais pas grand-chose.
je n’ai jamais été abusé avec mon père, sa vie c’était le tennis et son job. la vie familiale c’était pas son truc.
En terme de soutien
ma mère adoptante ne l’a jamais été et même par rapport à ma fente parce que je suis née avec une fente la biopalatine, ma mère savait que je devais avoir un certain nombre de chirurgies en France pour mon évolution normale.
Les enfants qui naissent en France ont 2 opérations quand ils sont petits. et puis après quand ils ont atteint leur taille d’adulte, on refait des opérations pour consolider et pour améliorer.
La seule chose qu’elle a fait c’est que financièrement oui elle s’occupe de moi. ça je ne peux pas reprocher ça du tout. financièrement elle a toujours subvenu à mes besoins. mon père aussi. mais d’un point de vue émotionnel, d’un point de vue affectif, il y a eu beaucoup de manquement. ce qui fait que je pense que du haut de mes 6 ans, j’ai rapidement compris qui j’avais en face de moi en tant que mère, ayant eu déjà une mère un peu bizarre au départ. j’ai rapidement compris la deuxième et je pense que je ne l’ai pas autorisé à avoir un lien avec moi.
comme on parle de du lien d’attachement, je pense que j’ai mis le stop rapidement en ne voulant pas de contact physique avec elle.
J’ai pas de souvenir de câlin. j’ai pas de souvenir qu’elle m’a embrassé. je voulais pas et je pense que c’était lié à ma première histoire du fait d’être parti de mon pays, que les choses n’ont pas été expliquées clairement.
parce que durant de mes 6 ans, j’avais le droit de comprendre ce qui se passait.
c’est bizarre parce que j’ai écouté le témoignage d’une autre jeune fille qui a été adoptée quasiment au même âge que moi mais en Russie. Elle a un souvenir exact de ce qui s’est passé à l’orphelinat, de ce qu’on lui a dit, de comment elle devait se comporter.
Moi j’ai pas de souvenir de ça. j’ai un souvenir de ma chambre polonaise à l’orphelinat. je me souviens de ma chambre et de l’extérieur de l’orphelinat au niveau du jardin. mais j’ai pas de souvenir des personnes qui pouvaient s’occuper de moi ou qui géraient l’orphelinat.
tout ce que je sais c’est que j’ai été placée moins d’un an en orphelinat.
donc j’ai été adoptée très rapidement avec ma sœur, qui est aussi ma sœur biologique. on a les mêmes parents et qui fait que alors ça ça a été vraiment je pense ma bouée de secours. Je ne sais pas comment j’aurais tourné si j’avais été toute seule, que j’avais une relation avec ma mère conflictuelle dès le départ où il n’y avait pas vraiment de relation mère/fille, où je ne me suis pas sentie écoutée.
je ne me suis pas senti aimé ni prise en considération par rapport à mes souffrances; par rapport même aux difficultés que je pouvais avoir à l’école avec ma fente parce que les enfants se foutaient de ma gueule ou qu’ils ne voulaient pas jouer avec moi. Tout ça, ça n’a pas été pris en considération, on n’a jamais vu de psychologue. rien.
et je pense que le fait que ma sœur a été adoptée avec moi, ça a été une grande chance. et en même temps pas une grande chance, parce qu’en fait on a joué chacune le rôle de mère pour l’une pour l’autre. parce qu’on n’avait pas la mère qu’on voulait en face de nous.
On a été très très proche et très fusionnel pendant très longtemps.
à l’adolescence il y a eu quand même quelques fight puis qui est normal entre sœurs mais parce qu’on était trop proche et que chacune devait trouver sa vie faire son chemin, faire ses propres expériences et le fait de ce rôle de mère que l’une et l’autre a pris avec l’autre
j’ai commencé à faire de la thérapie et je me suis rendu compte qu’elle avait joué ce rôle-là et quand j’en ai parlé à elle elle l’avait pas cons conscientisé non plus qu’on avait fait ça toutes les deux.
Une mère qui n’a pas osé demandé de l’aide
Je pense que mutuellement on s’est soigné et en même temps on s’est sauvé de là où on était. parce qu’en fait on a une mère qui était pas enfin, qui était elle-même très froide qui était pas comment, je dirais qui a été maltraitante même sous certains aspects avec nous et qui s’est pas gêné puisque mon père était jamais là donc c’était facile.
il y avait personne pour voir moi.
il y a des scènes que j’ai encore en tête qui sont pour moi très violente, de ce qu’elle a fait.
je ne rentrerai pas dans les détails parce que c’est pas l’objectif d’aujourd’hui mais je pense aujourd’hui que ma relation avec elle est beaucoup lié aussi à ça; du fait que j’ai rapidement compris que je devais filer comme une image et être hyper sage.
il fallait pas que je sorte du cadre. c’était clairement si je sortais du cadre rapidement tu t’en prends une . Je pense qu’elle savait pas y faire et que elle a pas été chercher de l’aide.
elle a pas demandé à des spécialistes comment je fais avec elles et je pense que c’est l’erreur qu’elle a commise de ne pas avoir eu le courage de dire je sais pas faire.
j’ai besoin d’aide là. j’ai besoin qu’on m’aide avec mes filles en sachant qu’on était grande déjà en tu vois 6 ans et 4 ans.
j’ai le souvenir de ma sœur qui faisait des colères. mais des grosses grosses colères et la seule chose qu’elle trouvait à faire c’était sous soit la mettre sous une douche froide, soit sous le balcon en plein hiver.
elle hurlait. elle hurlait. ce n’est pas une solution. ça jamais été une solution de faire ça avec des enfants.
voilà que je pourrais dire du soutien de ma mère.
As-tu souvenir des accompagnements post adoption ?
Tu te rappelles pas de personnes qui venaient vérifier, qui vous posent des questions sur comment vous vous sentiez ? comment ça se passait ?
Jamais. jamais personne n’est venu. non non non on a vu personne à la maison qui est venue.
Vos parents sont venus vous chercher. les papiers sont signés et c’est bon maintenant on vous laisse.
Un souvenir que j’ai, ma première image que j’ai, c’est j’arrive à l’aéroport alors je sais plus si c’est roissi ou Orly qui arrive de Pologne mais je descends en escalator et j’ai ma nouvelle famille française en bas.
Je vois qu’après on intègre l’appartement où on a habité quelques années là-bas, que mon père a rapidement repris le boulot. ma mère au départ travaillait. c’était une une jeune fille qui nous gardait au début. elle l’a rapidement viré parce que elle n’avait aucune autorité sur nous. et que quand elle rentrait du boulot à 19h ou 20h et ben nous on n’était pas en pyjama. on avait pas diner. rien donc ça lui convenait pas. ce que je peux comprendre de ce côté-là. si elle bosse, qu’elle prend quelqu’un, c’est pour que la personne puisse quand même s’occuper de nous et qu’elle ne rentre pas et que rien soit fait.
après elle a arrêté de bosser. elle a arrêté de bosser pour s’occuper de nous parce qu’elle s’est rendu compte que ça allait pas comme elle voulait avec cette jeune fille. donc elle a pas cherché une autre jeune fille. et cette jeune fille était vraiment super gentille avec nous vraiment adorable. à partir du moment où c’est ma mère qui a géré, là voilà ça a été un peu pas du tout la même histoire alors après il y a eu des moments bien aussi.
je peux pas le nier. c’est-à-dire qu’elle nous a permis de voyager. elle nous a permis de voir autre chose, de peut-être avoir la chance à l’époque d’aller au restaurant. je pense que je navais jamais fait ça en Pologne. ce qui était un peu bizarre c’est que ma mère nous habillait pareil mais exactement pareil ma sœur et moi. on avait les mêmes robes les mêmes exactement les mêmes habits comme si des jumelles moi je me suis posé des questions en disant c’est bizarre quand même je ne suis pas ma sœur.
j’ai jamais pu en parler avec elle non plus mais en fait j’ai jamais pu aborder des sujets avec elle un peu profonds. avec ma mère c’est comme si c’était impossible. ce que je trouve ce qui est dommage c’est qu’elle avait l’occasion de créer une relation avec avec deux petites filles et qu’elle a pas réussi.
parce que pour moi c’était elle en tant qu’adulte qui devait faire le nécessaire pour nous et pas inversement.
je pense que il y a encore beaucoup de parents qui sont dans cette illusion de croire que qu’il sauvent un enfant de sa misère. Mais ils ne le sauve de nulle part parce que si c’est pas ces parents-là, ça sera d’autres et ce qu’ils ont pas compris ces parents-là, c’est que, c’est la sensation que j’ai eu avec les miens, c’est que on est un cadeau pour eux.
c’est-à-dire que grâce à nous, ils ont une famille.
j’aimerais bien que les choses soient revises un peu à leur place dans notre société et pas tout le temps l’enfant qui est responsable de tout. que l’enfant a besoind’une famille un enfant n’est pas un droit et ça il y a des changement à apporter dans la société par rapport à ça.
Je vois beaucoup d’enfants adoptés qui se culpabilisent par rapport à ça qui en fait n’osent même pas parler de ce qu’ils ont vécu avec leurs parents de peur de cette culpabilité.
mais aussi de une certaine loyauté vis-à-vis d’eux.
étant maman aujourd’hui, avec deux enfants moi je considère que mes enfants me doivent rien. rien du tout. c’est c’est moi qui les ai désiré. c’est à moi de leur apporter ce qu’ils ont besoin. pour leur bien-être et je dis pas que c’est rose tous les jours, c’est challengant d’être parent. c’est extrêmement challengeant. et ça demande vraiment beaucoup de patience, beaucoup de remise en cause, pour accompagner nos enfants.
si moi je l’ai fait, pourquoi ma mère pouvait pas le faire ? d’y mettre plus de douceur plus de compréhension ?
surtout que moi les miens sortent de mon ventre. donc l’histoire il la connaisse. ma mère n’a même pas fait cet effort là de connaître ma propre histoire.
comment on crée du lien comme ça ?
on peut pas. c’est mon ressenti.
Pourquoi tes parents t’ont-ils adoptée ?
Tes parents t’ont adopté parce que c’était plus pour sauver des enfants ? ou alors c’est parce qu’eux même ne pouvaient pas en avoir ? et il se sont tourné au final vers l’adoption ?
alors mon père était à priori stérile. et ma mère a priori peut avoir des enfants mais n arrivait pas quand même.
ce que j’ai compris moi avec mes yeux d’enfant, de petite fille, c’est que j’avais l’impression, qu’ils avaient besoin d’avoir une carte postale parfaite.
tu sais, tu as le chien, la maison, le père, la mère, les enfants.
et qu’il fallait remplir ces cases.
c’est vraiment cette impression là que j’ai eu.
et j’ai longtemps eu aussi cette impression d’avoir été une plante on déplaçait à sa guise selon son besoin.
je me suis pas senti tu vois considéré comme une enfant. j’ai vraiment senti cette impression de tu dois thabillé de telle manière, obéir à ça, faire comme ça. comme j’ai dit, c’est pas comme ça qu’on noue des relations avec un enfant.
Pour moi, surtout quand ils ont déjà une histoire avant, je dirais que mes parents ont adopté par convention.
mais aussi parce qu’ils n’arrivaient pas à avoir d’enfant.
Te rappelles-tu de ton arrivée en France, de ton arrivée à l’école ? Comment as-tu communiqué avec tes parents ?
comme tu avais 6 ans, comment tu as communiqué avec tes parents parce que eux j’imagine parlait pas le polonais ?
est-ce que on t’a appris quelques semaines avant que tu sois adopté des mots de français ?
tu te rappelle tout ça ?
Pas du tout. pas du tout.
ce que je sais c’est que quand je suis arrivée en France ma mère me parlait. elle avait appris une dizaine de mots en polonais. donc elle me donnait mes mots en polonais.
mais sinon elle me parlait français. tout le monde s’est mis à me parler en français tout de suite.
il y avait personne qui m’a traduit en polonais et même à l’école quand j’ai intégré directement le CP.
alors ce qui était super c’est que j’avais une maîtresse qui était vraiment top et qui a compris que j’avais besoin de temps pour comprendre une langue. et intégrer une langue, une nouvelle langue que j’ai appris en moins de 3 mois quand même.
donc c’est quand même assez rapide au bout de 3 mois elle s’est rendu compte que je parlais super bien le français.
et j’avais quand même des lacunes parce que un enfant qui apprend une langue il est beaucoup plus à accompagné que moi. depuis petit il entend la langue, il la pratique. et moi il a fallu qu’en 3 mois, j’intègre tout la grammaire, le vocabulaire, la compréhension, l’écriture, parler.
j’ai quand même décuplé un certain nombre de compétences d’adaptabilité que d’autres n’auraient pas fait.
ça s’est passé relativement bien moi je trouve mon CP. surtout que la maîtresse était vraiment hyper gentille et hyper cool avec moi. j’ai quand même redoublé mon CP parce que il me voyait pas en CE1 tout de suite. donc j’ai refait un deuxième CP pour être beaucoup plus à l’aise après. ça m’a permis de bien assoir mes bases et de derrière faire une scolarité, on va dire moyenne parce que j’ai pas j’ai jamais été une très bonne élève à l’école, au désarrois de ma mère qui aurais aimé avoir une excellente élève. mais j’étais, je sais pas si c’était de la faignantise de ma part, ou est-ce que je comprenais pas, mais c’est pareil. je me suis pas senti accompagné dans ma scolarité, enfant? quoi alors que quand je vois mes enfants je suis assez présente à leur côté dans leur scolarité. et j’ai l’impression que ma mère était pas là. elle nous aidait pas dans nos devoirs ou même à nous accompagné.
mais ce qui fait que ma scolarité elle a été plus ou moins. je passais les classes mais rien de fou fou.
derrière j’ai quand même un bac+ 4. aujourd’hui grâce au fait que je me suis démené pour l’avoir.
en 3è le prof , le directeur d’établissement nous a dit faudrait que Marine fasse autre chose parce que sur le système classique ça colle pas. je finissais l’année. je crois que j’avais 6 de moyenne ou un truc comme ça. mais je pense qu’il y avait beaucoup de malêtre. j’étais pas bien à l’intérieur de moi.
Un mal-être pour une histoire lourde à porter
je consommais quand même pas mal d’alcool dans les soirées. je fumais des joints.
je sortais beaucoup. j’ai fait le mur. j’étais pas la petite fille parfaite.
on va dire sur ce coup-là, j’ai un peu profité sans me mettre en danger complètement non plus. et je pense que ma mère était complètement dépassé .
je comprends aujourd’hui avec le recul que c’est un mal être que je montrais mais que personne n’a été capable de le voir ce mal être. et ce mal être était lié au fait que
“qui suis-je ?” “je sors d’où moi?”
et qui a envie de porter sur ses épaules un père qui est mort dans les mines et une mère alcoolique qui s’est suicidée ?
honnêtement, c’est hyper lourd comme histoire.
je me suis reprise en main à l’âge de 35 ans à peu près. j’ai décidé qu’il fallait que les choses changent. j’en avais marre de jouer à ce jeu de la pauvre petite fille en souffrance et que j’avais envie d’autre chose dans ma vie.
j’ai rencontré mon mari à cette même période.
l’année d’après je suis tombée enceinte de mon premier enfant.
et mon premier enfant ça a été comme une révélation. ça a été une renaissance intérieure. mais aussi énormément de questions vu les mères que j’avais eu.
quelle mère moi j’avais envie d’être ? et comment je faisais pour me sortir de tous ces schémas ? comment j’allais accompagner cet enfant, moi marine ?
je crois que Gaspard a été un des plus beau cadeau que j’ai reçu.
Il m’a permis de me guérir plein de choses à l’intérieur de moi mais aussi de me réconcilier avec ma part de mère, dans ma vision de la mère.
Je ne dis pas que ça a été facile parce qu’il y a beaucoup de choses qui sont remonté à la surface.
moi je suis un peu naïve. je me rends compte avec le recul : je tombe enceinte je me dis que tout va se passer nickel. mais je me pose aucune question par rapport à mon histoire, que ça va générer quoi que ce soit. non non pas de souci.
il suffit que j’ai attendu gentiment à la naissance pour me dire ah ok il y a ça. merde.
et de me rendre compte que ça avait telle répercussion sur ma vie.
et donc en fait il m’a fallu quand même un petit peu de temps pour accepter Gaspard créer un lien avec lui.
Les répercussions sur la naissance de son 1er enfant
C’est là où je me suis intéressée au lien d’attachement.
Je me suis intéressé au trauma et à la thérapie pour essayer de comprendre pourquoi.
En plus, en moi je portais énormément de colère qui remontait. je ne comprenais pas d’où elle venait.
Pour apaiser cette colère, mon mari m’a dit va voir quelqu’un parce que tu ne peux pas continuer comme ça. ce que j’ai fait. et là, ça a ouvert une porte.
une porte hyper intéressante parce que j’ai commencé à :
- apprendre qui j’étais,
- aller guérir ce que j’avais à guérir à l’intérieur de moi,
- à pardonner, à me réconcilier avec ma propre histoire,
- à accepter qui j’étais.
ça m’a permis de faire un gros chemin personnel, de devenir beaucoup plus responsable de qui je suis, de mes actes, de ce que j’ai envie de créer. et aussi ma responsabilité parce que nous sommes tous des créateurs.
créons notre propre réalité pour moi et ça m’a permis vraiment de me dire :
“ok aujourd’hui, qu’est-ce que j’ai envie de créer avec cette famille, avec Gaspard, avec mon mari. puis j’ai Alice qui est arrivée après 2 ans.” il était hors de question que je répète les schémas de mes mères. je ne voulais pas faire ça.
je voulais essayer d’être une meilleure mère parce que ce n’est pas facile évidemment quand on a vécu des choses de maltraitance, de négligence, de violence psychologique physique. mais en ayant une prise de conscience qu’on se dit “non je répèterai pas ça”, je vais faire autrement mais pour faire autrement, faut se faire aider. on ne peut pas improviser tout seul.
donc j’ai lu énormément de bouquins sur l’éducation, sur les enfants, sur comment ça marche sur la parentalité pour me renseigner. être beaucoup plus alerte sur mes comportements aussi parce qu’on a beau lire des livres sur une thérapie, les comportements. ils sont encore là, c’est comme des mécanismes automatiques qu’on a, qui font que on va répéter inconsciemment le truc. donc j’ai appris à beaucoup observer mon personnage. faire les choses pour voir, agir et dire “non non là je t’ai vu. Là j’ai vu ce que tu as fait.”
Concernant ton mal être, avais-tu conscience, à ce moment-là, qu’il s’agissait d’un mal être ?
Tu as eu pendant plusieurs années, jusqu’à tes 35 ans, un mal être.
à ce moment-là, tu sentais que c’était du mal-être ou pour toi c’était normal, comme tu dis de profiter de la vie ?
Personne ne l’a vu. Personne n’a vu que j’étais en mal être.
Personne ne l’a verbalisé.
Personne me l’a dit sauf ma sœur qui m’avait observée. comme on se connaissait bien elle m’a dit à un moment “Marine, ça suffit.” parce qu’elle voyait que je déconnais que je fumais beaucoup trop, que je buvais trop. ce qu’elle a fait c’est là où notre relation est vraiment particulière, c’est qu’elle a appelé tout mon entourage, tous mes amis qui étaient un peu “toxiques”.
elle leur a dit je vous interdit de la rappeler. je ne veux plus que vous la voyez et je mettrai ce qu’il faut pour pas que vous la voyez.
bien sûr elle m’en avait parlé avant qu’elle le faisait.
mais elle me dit “c’est pour t’aider que je le fais”. je dit ok ok essayons comme ça.
le fait de me sentir soutenu par ma sœur m’a aidé à à reprendre un autre chemin. je me suis dit que il y avait une personne qui s’intéressait à moi et qui voulait pas que je sombre.
elle m’a aidé à ne pas sombrer quoi complètement.
Avez-vous pensez que ce mal être pouvait être lié au fait que vous ne connaissiez pas votre histoire ?
Est-ce qu’à un moment, vous avez mis les mots ou vous avez pensé c’est que ça pouvait être lié au fait que vous ne connaissiez pas votre histoire ? que vous aviez du mal ou que tu avais du mal à te construire ? que le poids que tu portais pouvait être lié et engendrer tout ce mal être et ces comportements qui nuisibles ?
Non j’avais pas le lien? j’étais dans une famille où les psy, on ne voulait pas entendre parler. Les psys, ce sont les cinglés qui vont chez eux. j’ai entendu ce type de discours.
On m’a laissé entre guillemets dépérir. j’ai changé plusieurs fois d’établissement parce qu’au niveau scolaire ça ne marchait pas non plus mais j’avais un tel mal-être intérieur que moi-même je ne comprenais pas.
il y a quoi qui permet à ce que le mal-être ou la souffrance soit moins présente ?
c’est de boire et de fumer. ça permet d’apaiser et ça permet de sortir, de ne plus y penser.
Quand j’ai ce comportement, j’ai entre 15 et 19 ans. je suis quand même assez jeune et je n’arrive pas à comprendre d’où vient cette souffrance.
et il n’y avait pas que de la souffrance vis-à-vis de mon adoption. il y avait aussi de la souffrance vis-à-vis de ma fente.
je voyais bien que toutes mes copines avaient des petits amis et que moi, c’était pas si simple que ça d’en avoir pour moi.
Je me disais dans ma tête, est-ce que j’arriverai un jour à avoir quelqu’un dans ma vie, à me marier avoir des enfants ?
tu vois ça c’est quand même une question qui me taraudait pas mal.
c’est lors de ma thérapie après la naissance de Gaspard que j’ai mis ça sur le tapis avec la thérapeute.
elle m’a dit : “c’est évident Marine, qu’il y a un lien entre ta souffrance et tes addictions”.
j’ai poussé un peu plus loin les recherches par rapport aux addictions. les enfants adoptés sont beaucoup plus à même d’avoir des comportements addictifs liés à le à leur souffrance, à leur histoire.
c’est des études qui ont été scientifiques qui ont démontré ça avec un plus fort risque de suicide.
moi j’ai jamais envie de me suicider. ça m’est pas venu à l’esprit mais avoir des comportements névrotiques, d’addiction oui.
La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, je ne fume plus, je ne bois plus du tout.
c’est vraiment quelque chose qui est sorti de ma vie et j’en ai pas besoin.
et c’est vrai qu’à l’époque, c’était vital. mais je me rends compte avec le recul, c’est que j’aurais eu besoin de voir quelqu’un à cette époque là.
j’avais besoin de parler de ce qui se passait dans ma vie. j’avais personne à qui parler. j’ai besoin d’un professionnel. c’est l’erreur commise par beaucoup de parents qui pensent que l’enfance se passe à peu près bien et à l’adolescence chlaac. ils se prennent un gros truc en pleine face parce que l’enfant ne va pas bien.
il y en a tellement des exemples comme ça. L’ado a besoin d’être accompagné. il a besoin de voir quelqu’un qui est spécialisé en adoption, qui est spécialisé dans les traumas ou dans les liens d’attachement pour comprendre ce qui est en train de se jouer.
je pense que ça m’aurait aidé d’avoir quelqu’un qui aide à voir les choses plus clairement.
Par rapport à mes propres souffrances. mes souffrances elles ont commencé à s’apaiser dans mon mariage, ensuite quand mon fils est né.
Je pense que par rapport à mon histoire d’adoption, je n’ai plus de souffrance.
la seule question que je me pose encore aujourd’hui, par rapport à mon adoption, c’est comment aurait été ma vie si je n’étais pas venue en France.
qu’est-ce que j’aurais fait en Pologne ? est-ce que j’aurais vécu dans un autre pays ?
c’est la seule chose parce que la vie est est fait d’opportunité. donc si ça avait pas été une famille française, ça aurait pu être une famille américaine, allemande, Suisse.
ma vie aurait été différente mais c’est vrai que ce ce côté de la souffrance intérieure qu’on peut ressentir lorsqu’on a été adopté.
Je ne me suis pas sentie abandonnée par ma mère. c’est même pas un abandon puisqu’elle ne voulait pas nous laisser mais qu’on nous a retiré à elle, comme une forme d’enlèvement. je pense que je l’ai ressenti comme ça, qu’on m’a enlevé à ma mère. donc cette blessure de l’abandon j’ai pas l’impression de l’avoir. Il y a plus une souffrance liée à qui je suis ? qui je suis ? c’est quoi l’histoire ?
j’ai besoin de la connaître pour me sentir en paix et avancer dans ma vie plus sereinement. je pense que l’adoption, ça créé un vide à l’intérieur de moi. un vide où il n’y a rien.
mais comment pour avancer quand il y a un vide ?
Parles-tu avec tes amis de ce vide que tu ressens ? de l’adoption et de ta mère maltraitante ?
C’est intéressant que tu me demandes ça.
j’ai jamais parlé de mon adoption ni de ce que je vivais à la maison parce que je pense qu’il y avait de la honte.
j’avais honte d’avoir été adopté, de vivre ce que je vivais avec ma mère. j’avais pas envie que les autres à l’extérieur le sachent. c’est quand même assez récent que je m’autorise à parler de ces sujets.
ça va faire 2 ans peut-être que je m’autorise à aborder des sujets comme ça. même là comme aujourd’hui en podcast parce que je pense qu’il faut le faire.
ça va aider d’autres personnes à se sentir légitimes, de parler mais aussi de prendre en compte leurs souffrances. De voir que que c’est pas juste et qu’elles ont le droit de connaître la vérité.
elles ont le droit de d’être heureuses et de vivre la vie qu’elles désirent. leur adoption ne doit pas les empêcher de vivre ce qu’elles désirent. c’est vrai que dans notre société, la maltraitance c’est un sujet qui me touche à cœur mais c’est quelque chose de banal.
j’ai vécu 2 ans aux États-Unis en jeune fille au pair. la première chose que m’avaient dit les parents américains est “ici donner des fessés, c’est interdit. Interdit de les frapper et interdit de leur crier dessus”. quand ils m’ont dit ça sur le premier coup je dis bon bah ok bien sûr on va essayer. mais j’ai bien vu rapidement les différences entre l’éducation française et l’éducation américaine. il y a beaucoup plus de respect de l’enfant pour moi aux États-Unis qu’en France.
la maltraitance c’est un sujet dont personne n’a vraiment envie de parler. il y a beaucoup de monde qui a honte de dire qu’ils ont vécu. alors que la honte c’est pas eux, c’est de l’autre côté.
tant que on sera pas assez à exprimer, je pense que les choses ne changeront pas au niveau de cette société.
et c’est vraiment quelque chose qui doit changer.
les enfants n’ont pas à vivre tout ça. c’est aux parents de se prendre en main, de prendre ses responsabilités, d’aller voir quelqu’un, de travailler sur lui.
Quel serait ton 1er conseil pour les personnes qui sont au commencement ?
aller consulter.
aller voir quelqu’un, un spécialiste.
je vais vous raconter une petite histoire.
Quand j’ai eu Gaspard, il avait un an et demi ou 2 ans, je voyais ma thérapeute tous les 15 jours.
Je raconte à une séance “je ne comprends pas. Gaspard vient tout le temps me chercher là-dessus. il venait appuyer sur mes blessures sur les schémas où c’était compliqué.”
ce thérapeute me dit “Marine, est-ce que tu lui as raconté ton histoire ?”
je la regarde : “mon histoire ? non j’ai pas raconté mon histoire. il a 2 ans.
et elle me dit “je veux que tu lui racontes ton histoire avec tes mots à toi”.
le soir je suis rentrée. j’ai pris Gaspard. je me suis assise à la même hauteur que lui et je lui ai raconté mon histoire avec mes mots.
elle m’a dit sois très honnête avec lui, même s’il y a des choses qui peuvent être difficiles à entendre pour lu,i il a besoin de l’entendre.
et cette scène, je me rappellerai toute ma vie, tellement ça m’a bouleversé.
il s’est mis à pleurer à partir du moment où j’avais fini de lui raconter.
et il m’a dit “merci. merci maman”
j’ai senti qu’il avait posé des bagages qui n’étaient pas les siens.
je lui dit “Gaspard, ce n’est pas ton histoire, c’est la mienne. laisse moi la résoudre et je te promets que je ferai le travail nécessaire”.
j’ai envie de dire à tous ceux qui sont adoptés et qui veulent devenir parents, qui veulent avoir leurs propres enfants, n’ayez pas peur de raconter votre histoire. parce que plus vous allez être honnête avec eux, plus ils seront eux-mêmes admiratifs du chemin que vous avez fait.
le conseil que j’aurais vraiment à donner c’est ça “faites-vous aider”.
n’ayez pas peur. Souvent il y a de la honte. il y a la honte de raconter son histoire, la peur aussi d’être jugé. faut arriver à passer au-dessus de ça parce que votre bien-être en dépend. surtout si vous sentez pas bien essayez de voir quelqu’un qui est spécialisé là-dedans. c’est mieux quelqu’un qui s’y connaît, qui sait ce que c’est l’adoption, qui l’a peut-être même traversé et qui a fait tout un travail personnel, c’est encore mieux.
Comment as tu raconté ton histoire d’adoption à ton fils de 2 ans ?
J’ai dit à mon fils qui avait 2 ans que ma mère biologique était alcoolique. Biologique, je dis c’est ma maman de sang. Elle m’a porté dans son ventre pour qu’il comprenne bien, elle n’était pas capable d’être une maman.
et j’ai vu que plus je mettais des vrais mots comme ça, sur mon histoire, et plus Gaspard se sentait léger.
donc j’ai pas eu peur de parler de ça, de l’alcoolisme, que ma maman n’était pas capable de prendre soin de moi. On m’avait mise dans un orphelinat.
L’orphelinat, j’explique que c’était un endroit où il y avait plein d’enfants et qu’ on était comme dans une colonie, tous ensemble, que des personnes s’occupaient de nous.
J’ai expliqué qu’après, j’ai été adoptée par une famille française. je dis que ma mère adoptante n’a pas été une mère pour moi. je considère que c’est pas une mère et après, en grandissant, Gaspard m’a posé d’autres questions.
Au fur et à mesure, j’ai considéré que mon histoire n’était pas un sujet tabou et qu’il ne fallait pas que ça soit un sujet tabou. Je l’avais vécu et ça avait créé beaucoup de souffrance chez moi. il fallait que j’en parle avec lui mais que j’en parle aussi avec Alice.
quand j’ai retrouvé ma mère l’été dernier, j’ai vu que ça leur faisait de bien de savoir d’où ils venaient. Ils ont 50 % quand même chez moi dont ils ne connaissaient pas l’histoire.
ils ne savaient pas leur racine. je leur ai promis qu’un jour on irait en Pologne. on irait rencontrer ma mère, ma sœur et peut-être des oncles et mon père pour qu’ils puissent reconnecter aussi avec leur racine.
parce que c’est leur racine, elles sont là. la Pologne c’est même plus important pour moi qu’il les reconnectent avec leurs racines polonaises, que leurs racines françaises qui, pour moi, ne sont pas mes racines. ce que j’ai de français, c’est la culture, c’est l’éducation. le sang qui coule dans mes veines, il est polonais, il n’est pas français.
ils vivent en France, ils sont déjà acculturés à la France. mais la Pologne ils ne connaissent pas.
L’adoption d’un enfant et l’importance de ses origines
Quand on adopte un enfant, il faut prendre sa première culture comme étant une richesse et ne pas la nier.
Parce que c’est une richesse surtout quand ils arrivent, qu’ils sont grands. Ils parlent déjà la langue. Ils ont déjà vécu des années dans leur pays d’origine.
Et même adopter un bébé, pour un bébé, il a le droit de connaître ses origines. Parce que ça va lui permettre de comprendre d’où il vient.
L’enfant adopté va pouvoir se dire “ok, quand se pose la question à qui je ressemble, ok voilà je viens de tel peuple, je viens de tel pays.”
Il y a beaucoup de parents qui ne veulent pas en parler. à partir du moment où l’enfant est adopté, ils ont l’enfant, tout ce qui se passait avant, famille d’accueil, orphelinat ou autres, ça n’existe plus.
C’est une grosse erreur de faire ça. Pendant la procédure d’adoption, il faudrait en parler.
Il faudrait peut-être obliger les parents à avoir une conversation avec les enfants, pour expliquer l’histoire, la vérité sur les origines.
Il y a de plus en plus de parents qui le font aujourd’hui et heureusement.
Je pense qu’il y a des consciences qui se sont ouvertes. Des parents sont beaucoup plus respectueux aussi de l’histoire de l’enfant, même si le lien de filiation n’existe plus.
Merci à tous ses parents de faire ce chemin là avec leurs enfants adoptifs.
Ce que je vois, c’est que ma mère adoptive était incapable de s’occuper de nous. évidemment j’avais besoin d’une autre mère, je le reconnais.
L’acte, en tant que tel, de l’adoption, d’adopter un enfant, je suis pas contre. Mais je pense qu’il faut déterminer les choses différemment.
A bientôt Marine
Merci marine pour ton temps et d’avoir partagé ton expérience.
C’est important que les personnes adoptées puissent enfin se faire entendre.
Merci Sandra pour ce podcast et cette interview très riche à bientôt à bientôt
1 commentaire
NORELLE SARA · 24 juin 2024 à 17h17
Merci pour ce témoignage super touchant. Quelle histoire émouvante et riche en enseignements !