Retour aux origines : questions/réponses sur mes retrouvailles
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Dans cet épisode, je change de position pour passer du côté « interviewé ».
En effet, après avoir retrouver ma mère biologique en 2021, je pars à sa rencontre, en chair et en os, en août 2023. J’en ai très peu parlé et je n’ai pas diffusé de vidéos, ma famille biologique ne souhaitant pas être exposée.
Cependant, pour les personnes adoptées qui sont en quête de leurs origines personnelles, ces retrouvailles restent une étape floue, une nébuleuse qu’il est difficile de concevoir. Ou au contraire, on peut s’en faire des films.
C’est pourquoi, Elodie a voulu me poser des questions à ce sujet.
Quasiment 9 mois après l’entretien, je procède enfin au montage. Pour écouter l’épisode, cliques sur le bouton play ci-dessus, dans la barre grise et noire du lecteur.
Qui est Élodie, l’intervieweuse ?
C’est Élodie, adoptée de Corée, que j’ai rencontrée lors d’un colloque à Angers, qui a souhaité me poser des questions pour mieux savoir ce qu’il se passait lors de retrouvailles.
Élodie est à la recherche de sa mère biologique. Après plusieurs tentatives infructueuses, elle est intriguée de ce que cela fait de retrouver sa mère.
Comment cela se passe t’il sur place, dans le pays de naissance ? Dans quel état d’esprit on se trouve face à sa famille biologique ? Mais également, comment cela se passe t’il vis à vis de la famille adoptive ?
Quelques jours après mon retour en France, nous avons décidé d’enregistrer un zoom où elle pourrait me poser ses questions, sans filtre, sans tabou.
J’ai répondu en toute honnêté et authenticité. Parfois même, j’ai l’impression d’avoir répondu à côté de la plaque. Je ne sais pas si j’ai répondu à ses interrogations mais je me rends compte que cet enregistrement est précieux 💎 Précieux pour moi.
Retrouver sa famille représente une nouvelle étape, un nouveau chapitre qui s’ouvre dans sa vie de personne adoptée. Ce sont des souvenirs forts mais qui avec le temps, peuvent s’effacer, être mis de côté, minimisé. Alors cet enregistrement me permet de ne pas oublier. Et de me rappeler que oui, moi et mon adoption, ça ne fait plus qu’un.
Désolée d’avance pour le ton pas très dynamique, c’est la 1ère fois que je racontais mes retrouvailles et donc un peu de stress et d’émotions. Et puis, je n’avais pas imaginé que partager ces retrouvailles seraient un moment aussi intime.
Qui suis-je, Sandra, créatrice du podcast Le Journal d’une adoptée ?
Je m’appelle Sandra. J’ai été adoptée à l’âge de 13 mois par une famille française. Il s’agit d’une adoption dite à l’internationale car je suis née en Bolivie.
Je ne m’en rappelle pas, mais j’ai très vite considéré cette nouvelle famille comme mes parents.
Mes autres parents, mes parents biologiques ont alors disparu de ma vie.
J’ai longtemps pensé que cette adoption n’avait pas d’importance ni d’impact dans ma vie. Je me trompais.
Car retrouver ma mère biologique m’a permis de mieux connaître mon histoire, mais aussi de me ré-approprié mon histoire. Car cette filiation coupée, du fait de l’adoption plénière, m’aura également coupée d’une partie de moi-même, de mes origines. Et ça, pour se construire, ça n’est pas facile.
Pour les personnes adoptées, retrouver ses parents peut être l’histoire, le combat de toute une vie. Les accès aux origines sont souvent compliquées, administrativement et psychologiquement, que ce soit pour des enfants nés hors de France ou en France, que l’on soit passé par l’orphelinat, famille d’accueil ou ni l’un ni l’autre. Mais rencontrer ses parents peut être le but ultime.
Pour d’autres personnes adoptées, il est hors de question de parler des parents biologiques. Un retour aux origines est impensable. Chacun a ses raisons.
De mon côté, après avoir fait mon bonhomme de chemin, une grande introspection, j’ai décidé de me lancer sur les traces de ma mère biologique. Je précise ici que parler de mes parents biologiques a été pour moi impensable pendant 35 ans de ma vie. 35 ans, ça fait beaucoup, on est adulte. On est censé s’assumer, être responsable. Mais ça n’était pas le cas. Alors partir dans la quête de mes origines personnelles était pour moi le dernier recours pour, enfin, sortir de ce mal être que je n’avais pas voulu voir.
Avec le soutien de ma famille, ma mère (adoptive) et de ma soeur.
À noter que les mots « adoptif » et « adoptive » sont des mots que j’emploie très peu. Ils n’ont pas de sens.
Ma mère reste ma mère, celle qui m’a donnée des valeurs, inculquée une éducation. Ma mamá est la personne qui m’a donné la vie. Sans elle, je ne serai pas là. Et mes parents ne m’auraient pas adoptée.
Cependant, pour la compréhension de toutes et tous, je dois parfois y faire référence.
Note importante
Avant toute chose, il est important de noter également que je ne suis pas passée par un orphelinat ou une famille d’accueil. Je ne suis pas non plus pupille de l’état. Je n’ai pas été adoptée via une association.
Mon adoption, au début des années 80, est ce que l’on appelle une adoption individuelle.
Mes parents adoptifs ont bien suivi le parcours d’adoption classique et ont obtenu l’agrément pour adopter un enfant.
Les retrouvailles avec ma mère biologique
Retrouver ma mère biologique a déclenché des choses que je n’avais pas imaginées. À l’époque de la découverte, je ne m’intéressais pas encore au monde de l’adoption.
Par exemple, je n’avais pas anticiper qu’elle avait refait sa vie. En la retrouvant, j’ai retrouvé toute une famille ! Soeurs, frère et donc neveux et nièce.
C’est seulement après l’annonce que l’on avait potentiellement retrouvé sa trace, en septembre 2020, que j’ai commencé à me renseigner. J’étais bien préparée et bien entourée lors de mon 1er voyage pour une rencontre en chair et en os en 2023.
Mon pays d’origine
Je n’ai jamais aimé ce mot : origine. Peut être parce que je n’ai vraiment jamais compris ce que cela voulait dire.
Mon pays natal, je préfère cette dénomination-là, est la Bolivie. Pourtant c’est en Argentine que j’ai rencontré ma famille d’origine. Je n’aime pas non plus cette dénomination-là.
En effet, ma mère biologique et sa famille ont déménagé dans ce pays depuis quelques années. C’est donc avec grand plaisir que je vais découvrir ce pays.
Mais c’est avec un mélange de sensations indescriptibles que je vais rencontrer ma mère biologique, ainsi que mes frère et soeurs.
Je me rends compte que je ne sais pas grand chose de mon pays natal.
La Bolivie n’étant pas un grand acteur de l’économie mondiale, elle n’est pas très connue. D’ailleurs, peu de personnes savent situer ce pays sur une carte. Le sais-tu ?
J’ai pourtant appris l’espagnol au collège et au lycée, mais j’étais tellement déconnectée de mes origines, que l’histoire d’Amérique du Sud ne m’intéressait pas. D’ailleurs, je crois que parfois, j’avais honte de venir de là-bas.
Chapitres de l’épisode
- 00:00 Que savais-tu de ton adoption avant de partir retrouver ta mère biologique ?
- 08:26 Quel est le déclic pour que tu aies décidé de faire ce voyage ?
- 12:53 T’es-tu senti à ta place dans ce voyage ?
- 16:20 Y’a t’il eu des choses qui se sont passées différemment par rapport à ce que tu avais imaginé ?
- 21:08 As-tu partagé ces moments avec ta famille française ?
- 26:02 Lors de la rencontre, qu’est-ce que vous vous êtes dit ?
- 28:15 Ce voyage a t’il répondu à tes attentes ?
- 29:20 Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui s’apprête à partir ?
- 33:53 comment se préparer ? à quoi s’attendre
- 37:50 Le discours a t’il changé avec ta mère française ? Les rapports ont-ils changé ?
- 40:43 Comment tu te sens par rapport à l’avant/après ?
- 40:50 Si tu n’avais pas fait la démarche, aurais-tu toujours des questionnements ?
- 41:30 Tu te sens le plus proche de ta mère française ou bolivienne ?
- 43:17 Qu’aimerais-tu ajouter ?
- 46:03 L’évolution
- 46:13 Conclusion
Extraits de l’interview
Que savais-tu de ton adoption avant de retrouver ta mère biologique ?
Pendant 35 ans, j’ai été dans le déni de mon adoption.
C’est-à-dire que j’ai toujours considéré que je n’avais que 2 parents. Que mes parents adoptifs étaient comme mes parents biologiques. Il n’y avait pas de différence.
Je me croyais même blanche et je ne savais pas pourquoi certaines personnes avaient des réactions « bizarres », des paroles blessantes. Maintenant, j’ai compris, c’est ce que l’on appelle des propos racistes, entre autres.
Etre dans le déni de son adoption, c’est également refusé d’en parler, d’en entendre parler. La moindre question ou évocation de ce sujet était comme un coup de poignard, un couteau que l’on remue dans une plaie. Mais cette plaie était invisible. Je ne la voyais pas.
C’est seulement à l’âge de 37 ans, début 2019, que je me suis décidée à ouvrir cette boite de Pandore.
Cette décision d’ouvrir cette porte, d’écouter (enfin) l’histoire de mon adoption, était, je le savais, l’ultime étape pour retrouver un apaisement. Mais je me doutais également que cela allait engendrer beaucoup de hauts et de bas, des émotions fortes que je n’avais pas envie de vivre. Après avoir accepté mon « statut » d’enfant adopté, aucun retour en arrière ne serait possible.
Pour revenir à mon histoire, voici ce que je croyais avant de demander des informations à ma mère adoptive.
L’histoire que je m’étais racontée
Pendant longtemps, 37 ans en fait, j’ai cru que j’avais vécu dans un orphelinat.
Je m’étais imaginé que mes parents adoptifs étaient venus me chercher et m’avaient choisi dans cet ophelinat.
Malheureusement, c’est un peu le cliché du pauvre enfant adopté, sorti de la misère, que j’avais en tête. Et probablement celui que j’avais entendu, car trop véhiculé dans la société.
Dans la réalité, je n’étais pas du tout orpheline.
La « vraie » histoire
Quand ma mère m’a raconté mon histoire, ça a été à la fois un choc et un soulagement.
Ma mère biologique ne m’avait pas abandonnée, elle m’avait confiée à l’adoption, à mes parents adoptifs pour que j’ai un accès aux études, à une vie meilleure.
Je n’avais donc rien d’une orpheline, un bébé laissé sur le palier. Et ça, dans l’estime de Soi, ça change quelque chose. ça a été le début d’une nouvelle vision de Soi.
Je découvre également que mes parents adoptants ont rencontré ma mère biologique !
Donc, avant de rencontrer en chair et en os ma mère biologique, je pars avec cette histoire :
Mes parents ont rencontré ma mère qui souhaitait me confier à l’adoption pour que je puisse faire des études. C’est ce qui est noté dans mon dossier d’adoption.
Mes parents, ma mère, ont toujours gardé mon dossier d’adoption, au complet.
Quel déclic pour que tu décides de faire ce voyage ?
Grâce à une personne en particulier, j’ai pu retrouver la trace de ma mère biologique. Cette personne a fait plusieurs contrôles pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’elle.
Une fois validée, cette personne m’a informée qu’elle avait retrouvé ma mère biologique, mais aussi des frères et soeurs ! C’était en février 2021. Ma famille biologique voulait me « voir » rapidement. Nous avons fait un zoom l’après midi même !
Nous sommes restés en contact, avec toujours l’optique de se voir en vrai. J’avais prévu de voyager pour les retrouver. À cette époque, en 2021 et début 2022, il y a avait toujours la Covid en toile de fond, lorsque l’on parle de voyage. Nous avons donc attendu quelques temps avant de se dire « on y va ».
Au fur et à mesure de l’avancement de l’année 2022, je n’ai pas pris le temps d’organiser ce voyage. Nous étions, avec mon chéri, dans des travaux immobiliers importants. C’est donc passé au second plan.
Fin 2022, les travaux auraient dû être finis et on aurait dû s’envoler vers l’Argentine.
Même si au départ, je pense que cela m’arrangeait de repousser cette rencontre, avec une bonne excuse que sont les travaux, j’étais triste de ne pas pouvoir partir, de rester dans l’incertitude.
Je commençais à perdre patience. Et ma famille biologique m’attendait la bas.
À chaque fois que je les avais en ligne, car on est resté en contact après notre 1er zoom, j’avais cette question « Quand viens tu nous voir ? », à laquelle je n’avais pas de réponse.
Et puis un jour, j’ai craqué. Les travaux n’en finissaient pas. Je ne voyais pas le bout mais d’un autre côté, je me sentais prête à faire ce grand voyage. Alors j’avais l’impression que tout était fait pour que je ne parte pas. Je crois qu’une autre potentielle vague de Covid arrivait.
Je me suis imaginé ne pas pouvoir rencontrer ma mère de naissance, la voir, la prendre dans mes bras. Je me suis dit qu’elle pouvait décéder du jour au lendemain et que je m’en voudrais toute ma vie de ne pas pouvoir l’avoir vue.
Alors, à ce moment-là, j’ai dit stop. Fini les excuses, fini les travaux, je dois aller en Argentine. Je ne veux pas la rater. Je ne veux pas qu’il soit trop tard. Je ne veux pas entendre cet appel « Mamá esta muerte », notamment à cause de la Covid. Je ne veux plus rater cette chance d’une vie.
Alors on a acheté des billets et on a décollé 3 semaines après.
T’es tu senti à ta place dans ce voyage ?
L’histoire d’être à ma place a été l’histoire de mes 20 dernières années.
Après ces 3 années d’introspection, j’ai trouvé ma place. Je n’avais plus de questionnements sur qui suis-je, ce Q entre 2 chaises, ce d’où je viens. J’ai accepté ma double culture, ma couleur de peau.
C’est vrai qu’avant de partir, je me demandais comment j’allais être accueillie par mes frère et soeurs. Même si ceux-ci me recherchaient depuis 40 ans, cela pouvait quand même mal se passer.
Cependant, dans tous les cas, je venais avant tout pour rencontrer ma mère biologique. Donc cette histoire de place parmi eux n’avaient pas grande importance.
Mais sur place, cela a été encore plus fort que prévu. Non seulement, j’ai trouvé ma place, mais j’ai en plus comblé un vide.
Ma mère a eu d’autres enfants biologiques. Mon frère est plus âgé que moi. Mes 2 soeurs sont plus jeunes. Tous ont entendu parler de mon existence. Alors c’était comme un vide qui existait. Ce vide était là. Il s’est comblé lorsque je suis arrivée.
J’étais le maillon manquant de la chaine. En arrivant dans ma famille biologique, tout pouvait enfin se reconstituer.
Donc, non seulement je me suis sentie à ma place, mais en plus, j’ai eu l’impression que cette place m’attendait depuis très longtemps.
As-tu partagé ces moments avec ta famille française ?
Ma famille française, ma mère et ma soeur, m’ont toujours soutenu dans ces démarches de recherches et retrouvailles.
ça a même été
Remerciements
Merci Élodie pour ce temps d’échanges et tes questions 🙏
Belle écoute 💛
Si vous souhaitez échanger sur vos propres retrouvailles, témoigner sur votre vie d’adopté, me poser vos questions, je reste joignable :
📤 sandra [at] lejournalduneadoptee. com
1 commentaire
Philippe · 3 juin 2024 à 22h16
Merci de nous partager l’histoires de Sandra, en quête de ses origines, pour mieux se projeter dans la vie. Un témoignage que je trouve sincère et touchant.